13.6. Effets de la lecture anthropologique et d'une compréhension du religieux sur l'éducation du lycéen.

Une telle lecture, qui va jusqu'au plus profond de l'oeuvre littéraire et qui, de ce fait, la respecte fondamentalement, qui n'oublie pas le respect que l'on doit aux personnes en les initiant à la culture et clarifie leurs rapports avec la culture, et ce dans le cadre strict des instructions officielles, contribue, au moment où l’élève s’élabore et s’identifie personnellement, à construire, à la condition de la rationalité, de façon conscientisée, compréhension et tolérance, fondement d'une relation à autrui, fondement des relations sociales et interculturelles, et fondement de la laïcité et de la citoyenneté 0 .

La lecture anthropologique, en utilisant les démarches rationnelles, développe chez l'élève, la rationalité, la conscience de la multiplicité des identités culturelles et la conscience de sa propre identité. En effet, en abordant les oeuvres littéraires à travers les démarches plurielles, fondées en raison par les Sciences Humaines, il apprend à découvrir la réalité, éventuellement religieuse, évoquée dans les oeuvres littéraires, d'une manière circonstanciée et objective, réalité à propos de laquelle il est amené à tenir un discours organisé et structuré. Ce faisant, il développe sa rationalité personnelle, une attitude de raison et de compréhension. A travers des textes appartenant à des cultures différentes, elles-mêmes liées à des religions différentes, découvertes à l'occasion de parcours de lectures, il constate l'universalité du fait religieux, la spécificité et la multiplicité des identités culturelles qui lui sont liées. Il cultive ainsi une conscience progressivement éclairée du fait religieux. Dans sa lecture des oeuvres littéraires, il découvre aussi quel linéament religieux parcourt la culture qu'il identifie comme sienne.

La pratique raisonnée de cette démarche de lecture développe chez le jeune lecteur une attitude de tolérance qui peut, et doit fonder, en droit français, sa relation à autrui, sa relation à la société ou à l'altérité culturelle. Le sentiment d'être respecté dans ses propres "choix", ainsi que la rigueur cultivée par la démarche, rigueur qui est liée au respect dû au texte et à son auteur, ne peuvent pas rester sans effet sur la construction de la personnalité du jeune lecteur et, sur son rapport à l'autre et sur le regard qu'il porte sur l'autre. L'acceptation de la différence, qu'elle soit liée à la prise de conscience de l'universalité du religieux et/ou à la relativité de sa propre identité et de toute identité, rejoint ici la raison universelle qui avait été promue par le XVIII° siècle et cultivée par l'humanisme.

C'est par la pratique régulière de la rationalité, et par l'exercice de la tolérance dans la lecture et hors de la lecture, que peuvent se fonder et se développer les savoir-être liés à la citoyenneté. Rendre les élèves capables de comprendre le fait religieux qui est au coeur de l'oeuvre littéraire, non seulement n'est pas incompatible avec l'esprit de la laïcité, mais amène aussi les élèves à concevoir que peuvent exister un espace d'échanges et une attitude conforme à cet espace, où tolérance, raison, conscience du relatif et de l'universel se conjuguent. Et rendre les élèves capables de comprendre le fait religieux qui est au coeur de l'oeuvre littéraire, en ouvrant cet espace de laïcité, aux échanges interculturels, contribue à permettre aux jeunes lecteurs d'identifier ce que peuvent être les formes spécifiques du sentiment rationalisé qu'on appelle citoyenneté.

Notes
0.

Morin (Edgar), Ibid., p.27.