14.2. L’approche caractérologique permet à l’élève de mieux identifier les comportements humains.

Constatant d'une part une telle diversité des comportements, s'il se réfère à l'ensemble des personnages, constatant d'autre part une relative constance des attitudes à l'égard de l'autre chez le même personnage, l'élève déduira que la relation à autrui chez les individus est fonction, dans une large mesure, de leurs dispositions idiosyncratiques et de leur caractère. En mettant en évidence la manière dont les personnages de la pièce de Julien Gracq accueillent dès l'abord l'inconnu, attitude qui préfigure la relation qu'ils développeront ensuite à son égard, en mettant en évidence les processus psychologiques qui déterminent chez l'individu des comportements à ce point persistants et cohérents, l'enseignant fera oeuvre d'éducation. A ce point de notre réflexion, nous pensons que, s'il veut développer chez son élève une autonomie suffisante dans sa lecture, il aura tout avantage à le doter d'un outil de référence tel que l'approche caractérologique, conçue d'abord par Heymans et Wiersma, puis développée, entre autres, par Le Senne , Mounier et Berger. Une telle analyse , appliquée aux personnages de l'oeuvre littéraire, offre à l'apprenant la possibilité de concevoir dans quelles mesures les différents traits de caractère qui font une personnalité conditionnent aussi ses attitudes à l'égard d'autrui. C'est ainsi que l'élève, par l'analyse des différents personnages de l'oeuvre, par la constatation de similitudes tant dans leur comportement social que dans leurs traits de caractère, pourra établir qu'il existe certains processus proprement psychologiques à l'origine des relations à l'autre.

Observant par exemple les personnages de Perceval et d'Amfortas qui ont en commun l'émotivité et l'activité et qui ne diffèrent que sur un seul trait caractérologique, celui du retentissement primaire ou secondaire, le jeune lecteur pourra réaliser combien l'impulsivité du jeune chevalier le pousse à aller, d'un seul élan, vers l'autre, tandis que la secondarité d'Amfortas l'incline à des attitudes plus distantes, plus réfléchies, plus calculées : ne va-t-il pas jusqu'à tisser, avec patience et ténacité, le filet dans lequel il prendra Perceval, au point de mériter l'appellation de "roi pêcheur" ? L'étudiant pourra, de la sorte, déduire combien le caractère modèle et détermine, dans une large mesure, le comportement et les attitudes d'un individu à l'égard d'autrui. Une telle analyse, pour superficielle qu'elle soit, dans la mesure où elle s'en tient à une description comportementale, n'en a pas moins le mérite de permettre à l'élève de découvrir que certains types de caractère peuvent devenir enfermants, en prédisposant l'être à des attitudes individualistes d'isolement ou d'indifférence. Une telle analyse constitue pour lui une invitation à laisser l'individu qui est en lui pour être, selon Emmanuel Mounier, "pleinement personnel" 0 et devenir de plus en plus "capable d'autrui" 0 .

Notes
0.

Mounier (Emmanuel), Traité du caractère, Paris, Ed. du Seuil, 1946 , p.41. Tous les types de caractères doivent être considérés comme négatifs, si l'on veut bien admettre que "nous ne sommes typiques que dans la mesure où nous manquons à être pleinement personnels".

0.

Mounier (Emmanuel), Le personnalisme, Collection Que sais-je ? , Paris, PUF, 1950, p.37.