16.1.3. Métalangages, transposition et intégration des savoirs.

La mise en oeuvre de la lecture anthropologique donne, de plus, à l'enseignant et à son élève "la possibilité d'un travail théorico-méthodologico-critique"6 et leur permet l'organisation autonome d'un discours fondé sur des concepts rigoureux. La proposition de métaméthodologie que représente la lecture anthropologique a aussi pour effet de faciliter un dépassement des cloisonnements des différents métalangages, cloisonnements dont on sait qu'ils sont souvent source de concurrences et de confusions stériles et qu'ils constituent, pour l'enseignant et a fortiori pour ses élèves, un obstacle majeur au transfert des différents métalangues et à celui des méthodes.

L'organisation de ces métalangages dans le métalangage anthropologique constitue, en effet, un modèle de continuum pour l'enseignant qui lui facilite l’accompagnement du rapport de l'élève aux savoirs. Cette configuration constitue pour l'élève un cadre de référence indispensable à une maîtrise progressivement acquise et exercée d'un discours sur le texte et sur le sens. Une telle intégration suppose, comme nous l'avons montré dans différentes communications 7 , que les savoirs soient "successivement regardés par lui, comme en extériorité (le rapport au savoir est ce qui permet de comprendre les autres et le monde) et en intériorité (le rapport au savoir est ce qui permet de se comprendre)"8.

Toutes ces raisons nous ont conduits, dans les séquences qui suivent, à conserver, autant que possible, les termes usités par les approches, en considérant que, jusqu'à un certain point, c'est à l'élève que revient le soin de réaliser la transposition didactique. Pour autant, il ne faudrait pas en conclure qu’il doit acquérir la totalité des éléments de cette métalangue. Il faut et il suffit qu'il s'approprie les éléments indispensables à l'élaboration d'un sens et à la tenue d'un métadiscours sur le texte. Sans faire de la dimension métalangagière des discours sur le texte une fin en soi, nous considérons que la trace de sa présence dans le propos commentatif produit par l'élève doit être prise en compte dans l'acte de formation et dans son parcours évolutif. Cette trace atteste, en effet, d'une part une mémorisation effective, d'autre part une mise en oeuvre d'éléments ou de moyens techniques qui font de sa lecture et de son compte-rendu un acte anthropologique. Nous pourrions, à ce sujet, reprendre à notre compte le mot d'A. J. Greimas considérant le "carré sémiotique" à l'égal d'un "échaffaudage".

Ainsi les jeunes lecteurs, habitués à reproduire le texte dans le métalangage de leur lecture, en utilisant, pour ce faire, un ensemble de termes, de modes d'action et d'opérations qui constitue les moyens techniques qu'ils ont à leur disposition, seront progressivement constitués en acteurs anthropologiques et, qui plus est, "en acteur[s] de cette même reproduction culturelle"9 qu'est l'oeuvre littéraire.

Notes
6.

Reuter (Yves), "Les métalangages dans la formation littéraire et culturelles des élèves", in Actes du VI° Colloque, op. cit., p.31.

7.

Voir notamment Gerfaud (Jean-Pierre) et Tourrel (Jean-Paul), "L'éducation par le mythe dans l'enseignement du français en lycée", in Education, mythes et croyances, Cahiers pratiques de psychologie en milieu éducatif N°1, 1997.

8.

Develay (Michel), article "Didactique et pédagogie", Sciences Humaines, Hors-Série N°12, février-mars 1996, p.60.

9.

Reuter (Yves), "Les métalangages dans la formation littéraire et culturelle des élèves", op. cit., p.27.