16.3.5. Mise en œuvre pédagogique de l'approche mythocritique

La séquence d'apprentissage qui suit vise comme objectif pédagogique la maîtrise par l'élève d'une lecture mythocritique d'un texte. Une telle séquence présuppose certaines connaissances préalables de la part des apprenants. Il est à souhaiter que ceux-ci ne découvrent pas, à l'occasion de cette séquence prévue, rappelons-le, pour des élèves de lycée, les notions de thèmes, de structure, ou même de mythe, ce qui ne dispense pas l'enseignant de vérifier auprès de sa classe si ces notions sont maîtrisées. Dans le cas contraire, il conviendrait de mettre en place un dispositif de remédiation. On suppose également que l'élève sait utiliser un tableau. Il est attendu qu'il sache nommer quelques mythes et faire le récit de leurs épisodes essentiels. S'il est vrai, pour en finir avec ces remarques préliminaires, que la séquence va être pour lui l'occasion de découvrir certains mythes qu'il ignorait jusqu'alors, il ne saurait être question que cette séquence d'apprentissage puisse couvrir même les principaux mythes de la mythologie occidentale et se substitue à la propre responsabilité du jeune lecteur en matière de connaissances culturelles et mythologiques.

SEQUENCE D’APPRENTISSAGE PERMETTANT D’ACQUERIR LA MAITRISE D’UNE LECTURE MYTHOCRITIQUE D’UN TEXTE

Voici les quatre objectifs intermédiaires de la séquence pour chacun desquels un apprentissage est requis :

  1. Savoir repérer les thèmes et les mythèmes dans un texte.
  2. Savoir décrire les structures mythémiques du texte.
  3. Savoir identifier et interpréter un mythe sous-jacent à un texte, à travers ses thèmes, ses situations et ses figures.
  4. Savoir réaliser la mythanalyse d'un mythe reconnu.

Apprentissage 1  : repérer les thèmes et les mythèmes d'un texte.

On utilisera, comme support de cet apprentissage, un texte extrait de La Chute d'A. Camus.

L'élève est invité à constituer, dans un premier temps, une liste des thèmes du texte, à retenir dans cette liste ceux qui peuvent entrer en relation d'association ou d'opposition, et à faire correspondre pour chaque thème retenu au moins deux péripéties, ou mythèmes qui l'illustrent. Le résultat de ces différentes opérations donne lieu à la mise en place d'un tableau. Rappelons que la suite ordonnée des mythèmes retenus doit permettre de reconstituer le "résumé" du texte.

‘Une motocyclette conduite par un petit homme sec, portant lorgnons et pantalons de golf, m’avait doublé et s’était installée devant moi, au feu rouge. En stoppant, le petit homme avait calé son moteur et s’évertuait en vain à lui redonner souffle. Au feu vert, je lui demandai, avec mon habituelle politesse, de ranger sa motocyclette pour que je puisse passer. Le petit homme s’énervait encore sur son moteur poussif ; Il me répondit donc, selon les règles de la courtoisie parisienne, d’aller me rhabiller. J’insistai, toujours poli, mais avec une légère nuance d’impatience dans la voix. On me fit savoir aussitôt que, de tout manière, on m’emmenait à pied et à cheval. Pendant ce temps, quelques avertisseurs commençaient, derrière moi, de se faire entendre. Avec plus de fermeté, je priai mon interlocuteur d’être poli et de considérer qu’il entravait la circulation. L’irascible personnage, exaspéré sans doute par la mauvaise volonté, devenue évidente, de son moteur, m’informa que si je désirais qu’il appelait une dérouillée, il me l’offrirait de grand cœur. Tant de cynisme me remplit d’une bonne fureur et je sortis de ma voiture dans l’intention de frotter les oreilles à ce mal embauché. Je ne pense pas être lâche (mais que ne pense-t-on pas !), je dépassais d’une tête mon adversaire, mes muscles m’ont toujours bien servi. Je crois encore maintenant que la dérouillée aurait été reçue plutôt qu’offerte. Mais j’étais à peine sur la chaussée que, de la foule qui commençait à s’assembler, un homme sortit, se précipita sur moi, vint m’assurer que j’étais le dernier des derniers et qu’il ne me permettrait pas de frapper un homme qui avait une motocyclette entre les jambes et s’en trouvait, par conséquent, désavantagé. Je fis face à ce mousquetaire et, en vérité, ne le vis même pas. A peine, en effet, avais-je la tête tournée que, presque en même temps, j’entendis la motocyclette pétarader de nouveau et je reçus un coup violent sur l’oreille. Avant que j’aie eu le temps d’enregistrer ce qui s’était passé, la motocyclette s’éloigna. Etourdi, je marchai machinalement vers d’Artagnan quand, au même moment, un concert exaspéré d’avertisseurs s’éleva de la file, devenue, considérable, des véhicules. Le feu vert revenait. Alors, encore un peu égaré, au lieu de secouer l’imbécile qui m’avait interpellé, je retournai docilement vers ma voiture et je démarrai, pendant qu’à mon passage l’imbécile me saluait d’un « pauvre type » dont je me souviens encore.

Albert Camus, La Chute, Paris, Gallimard, 1956.’

B. Apprentissage 2  : développer la capacité à décrire les structures mythémiques du texte.

Il s'agit, dans un premier temps, de produire un commentaire où sont décrits les thèmes et mythèmes du texte et d'observer les relations structurelles qu'ils entretiennent.

Il se peut que l'élève, au cours de cette deuxième étape, soit conduit à modifier le système du tableau, si, par exemple, il y découvre le manque flagrant d'un thème.

La description du tableau et des relations qu'y établissent thèmes et mythèmes peut donner lieu au commentaire suivant.

Le thème de la mémoire est commun aux péripéties de la première colonne. C'est, en effet, par le souvenir de cette aventure que l'auteur ou le narrateur commence et finit son texte. La deuxième colonne a pour trait commun l'habitude et le respect de la réglementation qui prend la forme, dans le texte, du code de la circulation routière. La troisième colonne fait apparaître le thème de la surprise, les éléments qui la composent intervenant tous comme des faits inopinés dans le parcours du narrateur. La quatrième colonne est réservée au thème de la courtoisie sociale, tandis que la cinquième est dominée par l'irritation ou par la violence et que la sixième est marquée par des formes similaires de défense et de résistance. Les trois dernières sont respectivement dévolues au thème de l'honneur, à celui de la traîtrise ou de la lâcheté et à celui de la passivité ou de la soumission.

Les relations qu'entretiennent les mythèmes du tableau sont de deux ordres : considérés dans leur succession chronologique, ils constituent un récit. Considérés dans la relation synchronique des thèmes auxquels ils participent, ils se structurent comme une combinatoire ou comme un système qui demande à être dégagé. C'est ainsi qu'on observe entre la première et la troisième colonne, de même qu'entre la deuxième et la troisième, un premier système d'opposition : la surprise est ce qui fait rupture avec la mémoire et avec les habitudes réglées ou réglementées. Ce premier ensemble est ce qui correspond pour l'essentiel à la situation initiale du récit.

Un autre ensemble de relations se dégage des cinq colonnes suivantes. La quatrième, la sixième et la septième s'opposent ensemble à la cinquième et à la huitième : la courtoisie, la défense et l'honneur apparaissent des attitudes contraires à la violence agressive et à la traîtrise. Ce deuxième ensemble correspond à la période polémique du texte où des valeurs contradictoires sont incarnées antithétiquement par le narrateur et par les deux autres protagonistes. Le narrateur, dans son bon droit, choisit d'opposer à la violence brutale, à l'incompréhension et à la traîtrise une attitude de résistance active. C'est ainsi qu'à ses yeux la surprise est à la mémoire et au respect habituel de la réglementation ce que l'irritation, la violence et la traîtrise sont à la courtoisie, à l'action résistante et à l'honneur. L'attitude qui pousse le narrateur à agir pour défendre son honneur le conduit finalement à la sanction et à la chute finale de soumission et de passivité qui le place dans une position similaire à celle de son lâche agresseur. Cette situation finale qui correspond à la chute du récit est d'autant plus ressentie par le narrateur comme une chute que sa propre image en a été dégradée. Quant aux autres personnages, celui qui est à l'origine de la dégradation s'enfuit lâchement, son coup donné, alors que l'autre, quasi triomphant, reste sur place.

A titre de renforcement, et ceci, avant d'avancer dans la découverte des autres étapes de l'approche mythocritique, nous proposons à l'élève d'appliquer les méthodologies des deux apprentissages précédents à un autre texte : "La dormeuse" de P. Valéry.

‘LA DORMEUSE
à Lucien FABRE
Quels secrets dans son coeur brûle ma jeune amie,
Ame par le doux masque aspirant une fleur ?
De quels vains aliments sa naïve chaleur
Fait ce rayonnement d'une femme endormie ?

Souffle, songes, silence, invincible accalmie,
Tu triomphes, ô paix plus puissante qu'un pleur,
Quand de ce plein sommeil l'onde grave et l'ampleur
Conspirent sur le sein d'une telle ennemie.

Dormeuse, amas doré d'ombres et d'abandons,
Ton repos redoutable est chargé de tels dons,
O biche avec langueur longue auprès d'une grappe,

Que malgré l'âme absente, occupée aux enfers
Ta forme au ventre pur qu'un bras fluide drape,
Veille ; ta forme veille, et mes yeux sont ouverts.
"La dormeuse", Paul VALERY,
dans Charmes, 1922.’

La première étape consiste à repérer les thèmes et les mythèmes du texte. Six thèmes permettent de rendre compte des différents mythèmes de ce texte.

Le sommeil ou la mort associé(e) au calme et au silence constitue la caractéristique commune aux éléments mythémiques de la première colonne : le sommeil, semblable à la mort est fait de « silence » et « d'invincible accalmie ». La deuxième colonne du tableau a pour trait commun la veille, la vigilance ou la conscience lucide qui sont celles de la "forme" de la dormeuse (ou de l'oeuvre poétique), ou celle du poète ou du lecteur qui cherche à élucider son mystère. Le thème représenté dans la troisième colonne est celui de la richesse et de la beauté formelle qui permet d'identifier le texte du poème à la femme endormie. La quatrième colonne est marquée par un même motif qui est celui de la profondeur intérieure et secrète de la personne ou des enfers. L'avant-dernière colonne est réservée aux pouvoirs invincibles du sommeil, tandis que la dernière est consacrée à la nature composée de La dormeuse (ou du poème) faite tout à la fois "d'ombres et d'abandons".

A partir du tableau ainsi constitué, il est possible de mettre en relation ou en corrélations les thèmes retenus et leurs mythèmes, ce qui va représenter la deuxième étape de l'approche mythocritique. On observe entre les colonnes 1 et 2, de même qu'entre les colonnes 3 et 4, un système relativement cohérent d'oppositions et d'associations. Alors que le sommeil s'oppose à la veille, et que la forme extérieure ou la beauté formelle fait contraste avec la profondeur intérieure et secrète de la dormeuse ou du poème, la veille ou la conscience lucide s'associe à la forme extérieure et à la beauté formelle au point que la forme de la dormeuse (ou du poème) est elle-même vigilante et le sommeil profond, fait de calme et de silence, garde son secret et offre une parfaite résistance aux tentatives d'élucidation ou de compréhension du poète ou du lecteur. La dormeuse, ainsi que le poème, sont finalement composés d'ombres et d'abandons, faits d'une part qui se donne à voir et d'une autre part qui s'y refuse.

C. Apprentissage 3  : identifier et interpréter les structures mythémiques d'un texte et à reconnaître, dans ce travail sur le sens, le mythe sous-jacent.

Les nécessités de l'apprentissage nous conduisent à dissocier ces opérations des deux précédentes. Dans l'analyse mythocritique d'un texte, il est possible qu'une identification, au moins intuitive du mythe, précède l'application de cette étape.

Pour cet apprentissage, on réutilisera les deux textes qui ont servi de support dans les deux situations précédentes. Il s'agit, non seulement de tirer la leçon du texte, mais aussi d'identifier les structures de l'imaginaire qui y sont sous-jacents et par là de découvrir la signification d'un mythe. On fournira, pour cette étape, la typologie suivante à l'élève, version simplifiée de la classification proposée par G. Durand dans Les structures anthropologiques de l'imaginaire 4 1

L'élève tentera de découvrir quelles catégories des structures imaginaires se trouvent représentées dans le texte d'A. Camus.

Il apparaît, d'évidence, que ce texte mobilise des images ou des attitudes correspondant au régime diurne de l'image et à ses structures héroïques. Le caractère polémique des relations entre les mythèmes du texte et entre les personnages le démontre. Dans ces structures, le héros est l'objet d'une dégradation et d'une chute comme il a été indiqué lors de l'étape précédente.

Il s'agit à présent de solliciter des élèves qu'ils reconnaissent un ou plusieurs mythes à partir des thèmes, des relations structurelles qu'ils entretiennent et des structures imaginaires repérées.

On reconnaîtra, sans effort, dans le texte d'A. Camus, les structures et les figures du mythe adamique de la Chute. Le narrateur n'est-il pas, en effet, amené, par la provocation du petit homme sec, à sortir de la Loi sous toutes ses formes (code de la route, code de courtoisie sociale, interdiction de la violence...). La modification se solde pour lui par une dégradation, puisqu'il passe de la condition d'homme sans histoire à celle d'homme marqué par l'échec. "Egaré", il quitte la place, accompagné du jugement sévère du tiers. Ce dernier, qui apparaît sous les traits de d'Artagnan, c'est-à-dire de l'homme d'épée, pourrait du reste être une figure métaphorique de l'Ange à l'épée, tandis que le "petit homme sec" qui a provoqué la violence et la dégradation et qui s'enfuit lâchement serait l'image du Serpent tentateur.

Ainsi, de même que le narrateur de ce récit se souvient d'un événement de son passé qui constitue pour lui un "mythe" personnel par l'exemplarité de l'expérience vécue alors, de même, l'auteur, pour produire ce récit, emprunte à un modèle culturel ses situations, ses figures fondamentales et sa signification. Dans les deux cas, c'est par orgueil que l'homme a connu la dégradation 4 2 : à travers ce texte, comme à travers le mythe qu'il reproduit, l'homme est ainsi invité à ne pas s'illusionner sur ses motivations et sur ses capacités à se maîtriser. Jean-Baptiste Clamence, dont l'appellation rappelle St Jean le Baptiste, "clamant dans le désert" 4 3 peut être dès lors considéré, non comme une figure de prophète ou de purificateur, mais plutôt comme celle du premier homme incarnant la Chute de l'humanité et confronté, dans cette expérience, à la révélation des limites de sa condition.

Nous proposons, à titre de renforcement de cet apprentissage, de poursuivre le travail sur le texte de P. Valéry.

On reconnaît, dans l'évocation que ce texte fait du sommeil, de l'intériorité inaccessible de celui-ci et de la quête poétique du sens profond, les structures mythiques de l'intériorisation et de la descente. Ce texte peut être lu comme une variation du mythe orphique. On sait, en effet, qu'Orphée était poète et que son épouse Eurydice, étant morte, il descendit aux enfers où il parvint à émouvoir les dieux infernaux par son chant. Il obtient d'eux de pouvoir ramener Eurydice sur terre, à la condition qu'il la précède et ne se retourne pas pour la voir avant d'être parvenu à la lumière. Sur le point de paraître au jour, il tourne la tête en arrière et Eurydice disparaît alors à ses yeux et meurt une seconde fois. A travers la figure de la dormeuse, amie du poète, on reconnaît aisément Eurydice, d'autant que son "âme" est "absente, occupée aux enfers". A travers la figure du poète, fasciné par la dormeuse, soucieux de la faire vivre par son texte, on identifie Orphée lui-même, y compris dans la constatation tragique que la seule "forme veille". Une telle interprétation du mythe d'Orphée peut être une invitation à en revisiter la signification. S'il est vrai que la dormeuse représente tout à la fois Eurydice et le sens du poème, P. Valéry exprimerait, dans ce texte, sa conception de la création : Eurydice, ou la dormeuse ou le sens, ne pouvant que disparaître dès l'instant où on l'appelle au jour, le sens profond ne pouvant que nous échapper : la "forme" seule "veille".

D. Apprentissage 4  : maîtriser la mythanalyse du mythe sous-jacent au texte.

On se souvient qu’il est question, dans cette quatrième étape, de mettre en relation le mythe ou la version du mythe proposée dans le texte avec l’environnement sociohistorique qui a entouré la production de celui-ci. Il s’agit, en d’autres termes, d’expliquer la résurgence du mythe dans l’époque et les modifications qu’une telle inscription dans le temps entraîne sur les structures et la signification du mythe lui-même : « on peut même observer comment un mythe, par amputation d’un groupe de mythèmes, change de sens et change l’âme d’une époque » 4 4.

L’apprentissage, comme les précédents, s’effectuera sur les mêmes œuvres.

Concernant La Chute d’Albert Camus, on fera ressortir aux élèves que les années 50 sont celles qui voient une remise en cause de la grandeur de l’homme. L’heure n’est plus à l’exaltation des valeurs héroïques, telles que pouvait les exprimer encore un roman comme La Peste (1947) : « Ce qu’il faut défendre, c’est le dialogue et la communication universelle des hommes entre eux. La servitude, l’injustice, le mensonge sont les fléaux qui brisent cette communication et interdisent ce dialogue. C’est pourquoi nous devons les refuser. Mais ces fléaux sont aujourd’hui la matière même de l’Histoire et, partout, beaucoup d’hommes les considèrent comme nécessaires » 4 5.

Les préoccupations exprimées par ces lignes trouvent leur prolongement dans Les Justes (1949) et surtout dans L’Homme révolté (1951) qui pose avec netteté la question de la violence et celle de sa justification : « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir ses justifications […]. Il s’agit de savoir si l’innocence, à partir du moment où elle agit ne peut s’empêcher de tuer »46.

Certes dans le récit de La Chute fait par Clamence, le narrateur ne pousse pas la violence aussi loin, mais, de légitime et d’innocente qu’elle était au départ, son intervention, « à partir du moment où [il] agit », devient entachée de culpabilité. Ainsi, en ces années d’après-guerre, où la tentation est forte de céder à une « légitimation de la violence » et « où l’on s’emploie à justifier la terreur avec des arguments opposés »47, le mythe de la Chute trouve une nouvelle actualité et porte à nouveau le sens d’une dégradation de l’homme dans la culpabilité et dans la fragilité.

Le héros de naguère, qu’incarne ici Clamence, ne s’est-il pas, en effet, transformé à son insu en « bourreau » pour avoir répondu à la provocation, ou tel « le vrai, l’éternel Prométhée [n’a-t-il pas] pris maintenant le visage d’une de ses victimes ? »48.

A la suite de la mythanalyse du texte de Camus, l’enseignant peut inviter ses élèves à un renforcement sur le poème La Dormeuse de Paul Valéry.

Ceux-ci devraient sans effort, repérer ce que les structures intimistes du poème (celui-ci n’est-il pas en effet marqué par l’obsession du repos et du sommeil et par « la quiétude de la descente et de l’intimité » ?49) doivent à un contexte historique particulier. Ils devraient aisément reconnaître, dans le renversement des valeurs héroïques et conquérantes qui s’est opéré au cœur de l’imaginaire collectif, suite au conflit de 14-18 et à ses conséquences tragiques, les motifs d’une résurgence des « grands schémes nocturnes qui portent les images de l’intimité »50.

Notes
4.

1 "Annexe II : Classification isotopique des images". pp. 506-507.

4.

2 . Revoir à cet égard l'orgueil manifesté par le narrateur au sujet de sa propre force : "Je dépassais d'une tête mon adversaire, mes muscles m'ont toujours bien servi".

4.

3 . "Vox clamans in deserto" : Matthieu III. 3 ; Marc, I, 3 ; Jean I, 23.

4.

4 Durand (Gilbert), Figures mythiques et visage de l’oeuvre, op. cit. p.356.

4.

5 Camus (Albert), Actuelles I, « Ni victimes ni bourreaux », in Essais, Bibl. de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1965, pp.350-351.

4.

6 Camus (Albert), L’Homme révolté, in Essais, op. cit., pp.413-414.

4.

7 Camus (Albert), Actuelles I, op. cit., p.355.

4.

8 Camus (Albert), L’homme révolté, op. cit., p.647.

4.

9 Durand (Gilbert), Les structures anthropologiques de l’imaginaire, op. cit., p.320.

5.

0 Durand (Gilbert), Figures mythiques et visage de l’œuvre, op. cit. p.247.