16.4. Mise en œuvre pédagogique d’une lecture plurielle visant à délimiter le champ anthropologique spécifique à chaque approche.

16.4.1 Les enjeux

La mise en oeuvre pédagogique d'une lecture réalisée dans une pluralité des approches comporte divers enjeux qui sont à la fois d'ordre théorique ou épistémologique, d'ordre méthodologique ou pédagogique et d'ordre anthropologique.

Sur le plan théorique, c'est la rigueur d'une démarche qui est en jeu. La complexité de l'objet à décrire approché par plusieurs méthodes pose divers problèmes épistémologiques et d'abord celui de la démarche. Comment peut-on éviter l'amalgame et la confusion entre les approches et entre les champs épistémologiques particuliers ? Par ailleurs, on ne peut parvenir à la définition ou à la délimitation de l'oeuvre littéraire comme objet anthropologique, sans qu'aient été préalablement définis et délimités les divers champs qui interfèrent dans l'objet produit par une lecture plurielle. Nous préférons, à cette étape de la mise en oeuvre pédagogique, utiliser le terme neutre de "lecture plurielle", tant que l'objet à lire n'est pas encore investi des dimensions anthropologiques qui sont les siennes.

Sur le plan méthodologique (ou pédagogique), la mise en oeuvre a pour but de construire des capacités chez l'apprenant dans la clarté et non dans le confusionnisme et l'amalgame. Dans ce but, chaque méthode doit conserver, aux yeux de l'élève, sa propre démarche, les indices qui sont les siens et les procédures méthodologiques auxquelles elle recourt. Mais, s'il est vrai que chaque méthode a ses procédures spécifiques, il est vrai aussi que certaines d'entre elles ne diffèrent pas sur tous les points et que, notamment dans la phase d'inventaire des signes, certaines opérations peuvent coïncider. Cette clarification pédagogique peut trouver une ressource privilégiée et adéquate dans la visualisation, sous forme de tableaux, des démarches et des signes spécifiques à chaque méthode et de ceux qui ont un caractère commun compatible. Une telle visualisation peut s’opérer à partir des savoirs et des savoir-faire antérieurement acquis par les élèves qui reconnaissent dans un texte support, parmi les éléments procéduraux propres à chaque approche, ceux qui peuvent sans inconvénient être croisés : les éléments ainsi reconnus et nommés par les élèves sont alors inscrits au tableau par l'enseignant. Ou bien l'enseignant, dans les formes d'un apport magistral, commente un tableau préalablement constitué contenant les savoirs et les démarches à communiquer.

Sur le plan anthropologique, ce qui est en jeu dans cet apprentissage, c'est d'abord la saisie d'une diversité des champs anthropologiques ; c'est ensuite la particularisation de chaque champ à partir des significations, des signes et des présupposés de chaque approche ; c'est enfin l'inscription de chaque champ anthropologique ainsi délimité dans l'ensemble des Sciences Humaines.

Ces quelques précautions nous semblent de nature à permettre à l'enseignant, au moment de la mise en oeuvre pédagogique, d'éviter de tomber dans la fusion et dans l'amalgame des approches et d'éviter d'induire chez ses élèves des conceptions ou des pratiques de lecture confusionnistes ou simplement confuses.