17.1. L’évaluation dans la formation, définie comme acte anthropologique et culturel.

17.1.1. Définitions de l’évaluation.

Daniel Hameline, dans sa contribution à l’ouvrage collectif du CEPEC, consacré à l’évaluation, écrit ceci à propos de l’estimation-évaluation- «c’est d’une anthropologie qu’il est question, c’est-à-dire une tentative pour rendre raison de ce qu’ont de spécifiques les choses quand elles se présentent comme humaines». L’évaluation scolaire est l’une de ces «choses». Elle «arrive» aux êtres humains. Des humains la font « arriver à d’autres humains, à travers quoi s’opère «l’estimation même du sujet. Rien que  ça » 0 . Ainsi l’évaluation est reconnue, par D. Hameline, comme étant fondamentalement un acte anthropologique, compte tenu des acteurs, des enjeux et des implications culturelles des savoirs scolaires transmis. Une telle affirmation rejoint la nature anthropologique de la formation, dont l’évaluation est inséparable. De ce fait, l’acte évaluatif est révélateur des orientations culturelles du système éducatif dans lequel il s’inscrit. C’est ce qu’affirme Jean-Claude Forquin en s’appuyant sur le point de vue de Bernstein : «Les procédures d’évaluation pédagogique constituent un révélateur privilégié de la façon dont les codes du savoir culturel peuvent contribuer à la construction de l’identité culturelle et à la genèse de l’ordre social» 0 .

La place de l’évaluation dans notre société, marquée tout à la fois par le judéo-christianisme, la démarche scientifique et l’idéal démocratique, est particulièrement importante. En effet, l’appel à l’accomplissement, à la recherche du salut personnel valorisé par le système culturel judéo-chrétien accentue l’importance à accorder au processus d’évaluation renforçant les liens, soulignés plus haut, avec les fondements de l’ordre social.

L’accent mis sur la place de l’expérience dans le domaine scientifique entraîne une valorisation de la vérification et explique la part prise par la quantification dans l’évaluation. Quant aux rapports qui existent entre l’évaluation et les principes qui fondent la démocratie et qui en organisent son fonctionnement, ils contribuent à renforcer mutuellement évaluation et démocratie : l’évaluation a, dans le processus de la régulation démocratique, pour rôle de déterminer et de justifier la hiérarchie en fonction des mérites et des valeurs reconnues à chaque individu, et elle est, dans ce dispositif démocratique, le principe qui sous-tend la capacité de choix et d’orientation du citoyen. C’est dire l’importance prise dans la société occidentale par l’évaluation et par le jugement critique qui lui est associé, ainsi que l’attente que cette société formule à l’égard du système éducatif, notamment en ce qui concerne la formation du jugement critique et du discernement.

Partant des dimensions anthropologiques qui viennent d’être soulignées, la définition proposée par Gilbert de Landsheere nous paraît conserver toute sa validité et souligner les éléments techniques propres à toute évaluation : «Evaluation : terme générique désignant la supputation de la valeur ou de l’état, le plus souvent par référence à un idéal ou à une norme, en s’appuyant soit sur des appréciations subjectives, soit sur des mesures. Plus techniquement, l’évaluation se définit comme une note d’une modalité ou d’un critère considéré, dans un comportement ou un produit. Le terme évaluation a une acceptation beaucoup plus large que celle de mesure» 0 .

Notes
0.

Ibid.

0.

Forquin (Jean-Claude), Ecole et culture, Le point de vue des sociologues britanniques, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1992 (2ème édition), p.101.

0.

De Landsheere (Gilbert), «Evaluation», Dictionnaire de Psychologie, Paris, PUF, 1991, p. 267.