17.5. Evaluation de l'attitude culturelle développée par l’élève à travers sa maîtrise de la lecture anthropologique de l'œuvre littéraire.

Contrairement aux tests précédents qui s'établissaient en lien direct avec les apprentissages construits par les séquences correspondantes, cette nouvelle évaluation a un caractère moins strictement didactique et s'établit intentionnellement dans une relative distance par rapport aux apprentissages, en veillant à mesurer par cet écart la réalisation effective des transferts attendus.

Le test ainsi élaboré pour cette évaluation se distingue fondamentalement de tests dits de culture générale dont les critères restent souvent imprécis, voire implicites, et qui utilisent le mot culture par un abus de langage ou dans un sens restrictif.

Un tel test repose la question de la distinction établie entre évaluation formative et évaluation sommative ou normative.

Dans la situation qui a été privilégiée ici, ce test, bien que décroché d'un apprentissage formalisé, peut avoir le caractère et les effets d'un test formatif. L'élève est ainsi invité à vérifier si l’attitude qui est la sienne est une attitude culturelle constante dans son contact aux productions littéraires, voire artistiques. A cette occasion, il prend conscience qu'il ne peut disposer des savoirs sur les différentes dimensions de l'être et du fait humains qu'après acquisitions et élaborations personnelles et collectives. Il prend conscience de la nécessité d'une mise en oeuvre organisée de ses savoir-faire et de ses savoir-être, organisation qui seule lui permettra d'élargir sa compréhension des thèmes ou des faits culturels, en mobilisant une pluralité de sens, d'approches et de dimensions des faits appréhendés.

L'opération de synthèse, par laquelle il rassemble et structure les faits et les sens découverts, problématise et met en place une réponse culturelle à cette problématique, peut constituer un modèle de structuration, d'élaboration et de centralisation de son discours. Cette opération de synthèse conditionne par là même l'acte de communication et d'improvisation accompli.

L'élève est enfin invité à porter constamment un jugement raisonné et approfondi sur ses élaborations discursives, qui sont révélatrices de son être de culture, à identifier le système culturel existant et à en prendre toute la mesure, spécialement dans la relation qui lie la production qu'il analyse, son propre commentaire et le système culturel qui les fonde. De telles dispositions ne peuvent que l'incliner à accueillir l'évaluation d'autrui et l'inviter à une production autonome.

QUESTIONNAIRE

Question 1.

Constituez un corpus de dix textes ou oeuvres sur le thème de l'amour humain en précisant les références de ces oeuvres.

Question 2.

Réalisez sur ces textes une recherche approfondie qui aboutira, après formulation et vérification de l'hypothèse, ainsi qu’après confrontation entre les oeuvres, à l'élaboration d'une problématique rendant compte du thème dans son ensemble.

Question 3.

Sur les textes pour lesquels vous avez réalisé une lecture plurielle et anthropologique, faîtes apparaître les apports nouveaux que vous avez pu découvrir sur l'amour comme fait humain dans ses différentes dimensions et les champs anthropologiques qui leur sont liés (sociologique, psychologique et imaginaire, entre autres...).

* En fonction de ces résultats, vous pourrez être amené à modifier ou amplifier votre problématique.

Question 4.

A partir des différentes étapes de la recherche, rassemblez, sous forme de synthèse cohérente et organisée, les réponses à la question d'ensemble formulée précédemment sous la forme d’une problématique provisoire.

Question 5.

A partir des recherches que vous avez conduites sur un corpus de textes culturellement situé, pouvez-vous définir le système culturel auquel ces oeuvres appartiennent et pouvez-vous en rendre compte sous la forme d'un paragraphe synthétique.

Question 6.

Faites état des différents niveaux de conscience culturelle auxquels vous êtes parvenu au cours de votre recherche.

En d'autres termes, si l'on admet que le système culturel judéo-chrétien est marqué fondamentalement par la situation de victime rachetée, en quoi ce schème culturel fondamental éclaire-t-il la vision que les auteurs ont du thème anthropologique de l'amour, en référence explicite ou non à ce système culturel ?

REPONSES AU QUESTIONNAIRE

Question 1. Constituez un corpus de dix textes ou oeuvres sur le thème de l'amour humain en précisant les références de ces oeuvres.

* 1. Ronsard, "Ode à Cassandre" :

"Mignonne allons voir si la rose", 1552.

* 2. Molière, L'Ecole des femmes, 1662.

George Dandin, 1668.

* 3. Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1, 7, 1778.

* 4. A. Bertrand, "Rêve", dans Gaspard de la nuit, 1842.

* 5.G. Flaubert, "L'éducation sentimentale", 1869.

* 6. P. Fort, "Premier rendez-vous", dans Paris sentimental ou le roman de nos vingt ans, 1902.

* 7. Apollinaire, "Le pont Mirabeau", Alcools, 1913.

* 8. F. Mauriac, Le baiser au lépreux, 1922.

* 9. M. Barrès, Un jardin sur l'Oronte, 1922.

* 10. P. Eluard, Capitale de la douleur, "La courbe de tes yeux", 1926.

* 11. J. Green, Adrienne Mesurat, 1927.

Léviathan, 1929.

Moïra, 1950.

* 12. J. Giono, Regain, 1930.

* 13. P. Eluard, "Anniversaire", dans Le lit la table, 1944, "A celle qui répète ce que je dis", VII.

Question 2. Réalisez sur ces textes une recherche approfondie qui aboutira, après formulation et vérification de l'hypothèse, ainsi qu’après confrontation entre les oeuvres, à l'élaboration d'une problématique rendant compte du thème dans son ensemble.

Le thème et ses variations :

• Les domaines de l'amour (corps, sensibilité, imaginaire...).
• Les différentes étapes de l'amour.
• La transformation de l'être et de son rapport à l'autre.
• La transfiguration de la vie et de son rapport au monde.

Problématique : A partir des domaines de l'amour et de ses évolutions possibles, quelles transformations l’amour apporte-t-il à l'être dans son rapport à l'autre, à la vie et au monde ?

Question 3. Sur les textes pour lesquels vous avez réalisé une lecture plurielle et anthropologique, faîtes apparaître les apports nouveaux que vous avez pu découvrir sur l'amour comme fait humain dans ses différentes dimensions et les champs anthropologiques qui leur sont liés (sociologique, psychologique et imaginaire, entre autres...).

* En fonction de ces résultats, vous pourrez être amené à modifier ou amplifier votre problématique.

1. Recherche (à partir du système interne des oeuvres).

2. Résultats sous forme de synthèse.

On remarque un rapport étroit entre la vision de l'amour ou de l'être aimé et la vision du monde d'une société particulière, il s’ensuit que l'amour est une réalité culturelle en mouvement.

L'amour semble être la réponse recherchée par l'être dans sa dimension sociale ou individuelle, à une blessure, à un manque, à une situation de victime, objet d'une violence.

La littérature nous démontre que l'amour, non seulement répond à l'attente de l'être, en lui fournissant un refuge, donc le moyen salutaire d'échapper à la situation de victime, mais aussi, dans la mesure où l'écriture permet d'élucider son rapport et son mode de fonctionnement à l'autre, lui apporte un renouvellement et un salut...

3. Reformulation de la problématique.

A partir des domaines de l'amour, de ses évolutions possibles, en relation avec les dimensions sociales, psychologiques de l'être, conscientes ou inconscientes, l'amour apporte-t-il des transformations à la personne, dans son rapport à l'autre, à la vie et au monde ?

Question 4 : Synthèse. A partir des différentes étapes de la recherche, rassemblez, sous forme de synthèse cohérente et organisée, les réponses à la question d'ensemble formulée précédemment sous la forme d’une problématique provisoire.

L'amour apparaît d'abord une réalité qui met en relation l'être dans ses multiples dimensions (corps, sensibilité, imagination, relations sociales). Il connaît les étapes de l'évolution de tout être vivant, du désir à la naissance et à la fin. Il se manifeste ensuite dans des transformations qui touchent à l'être qui aime, ainsi qu'à l'objet aimé et à leurs relations (l'état d'exaltation de l'amoureux chez Paul Fort dans "Premier rendez-vous"), ou au contraire la souffrance qui affecte le poète Apollinaire dans "Le Pont Mirabeau" au sentiment de "l'amour qui s'en va". On découvre par ailleurs que le sentiment amoureux transfigure les êtres qui s'aiment et va jusqu'à réconcilier la personne avec le monde : Paul Eluard dans "La courbe de tes yeux" montre que l'amour renouvelle et recrée le rapport entre lui et la réalité. Ces différentes transformations provoquées par l'amour ne sont-elles pas dues au fait que l'homme, qui percevait initialement sa situation d'être au monde comme dramatique, recherche dans l'amour une réponse à ses blessures, à ses manques et découvre, dans cette relation à l'autre semblable à soi, un moyen de réparation ou de dépassement de son histoire ? On remarque pour finir que le discours amoureux a une dimension socio-historique, traduisant l'état d'une culture ou d'une société. L'amour est une réalité culturelle en mouvement...

Question 5. A partir des recherches que vous avez conduites sur un corpus de textes culturellement situé, pouvez-vous définir le système culturel auquel ces oeuvres appartiennent et pouvez-vous en rendre compte sous la forme d'un paragraphe synthétique.

Le discours amoureux, tel qu'il apparaît dans les oeuvres de la littérature française (donc occidentale), est fondamentalement nourri par le système culturel judéo-chrétien dans lequel l'individu se perçoit marqué par une tache originelle signe de mort, d'où il tire sa fragilité. Il attend de l'autre et de sa rencontre une transformation salvatrice qui le conduira, à travers des révélations, à un Paradis, lieu de lumière, de transparence et d'harmonie, tout échec amoureux étant perçu, dans ce système culturel, comme le maintien dans une situation infernale.

Question 6. Faites état des différents niveaux de conscience culturelle auxquels vous êtes parvenu au cours de votre recherche.

En d'autres termes, si l'on admet que le système culturel judéo-chrétien est marqué fondamentalement par la situation de victime rachetée, en quoi ce schème culturel fondamental éclaire-t-il la vision que les auteurs ont du thème anthropologique de l'amour, en référence explicite ou non à ce système culturel?

Au cours de cette recherche, il a été possible de repérer trois niveaux successifs :

• un degré de conscience relativement élémentaire : celui né de la confrontation des textes, s'appuyant sur des approches thématiques ou structurales, qui permet de décrire et de qualifier les aspects d'un thème culturel.
• un autre degré de conscience plus approfondi, celui rencontré à partir d'une lecture anthropologique faisant émerger, dans une pluralité d'approches, qui permet de percevoir la complexité comme système organisé et le caractère paradoxal de l'oeuvre littéraire et de son système interne.
• un troisième degré de conscience qui, à partir de la cohérence à un niveau plus profond entre ces oeuvres, les situe comme appartenant à un même mode culturel de pensée et qui, situant le lecteur dans sa relation avec sa propre culture, l’établit et le situe dans une relation d'attente, comme lecteur et apprenant.