METHODOLOGIE

Pour tenter de valider ces deux hypothèses, il nous a semblé nécessaire de faire appel à une double méthodologie: d’une part, une approche théorique, conceptuelle, argumentative, et d’autre part, une investigation plus concrète, plus empirique, reposant sur des études de cas.

A vrai dire, la réflexion théorique, appuyée sur la lecture et l’analyse critique de très nombreux ouvrages et articles, le raisonnement constituent la partie la plus importante de ce travail. Cet état de fait est évidemment lié à la nature même de notre recherche dont le caractère volontairement général et ’philosophique’ ne se prêtait pas très bien à une approche véritablement expérimentale, ne serait-ce qu’en raison de l’immensité du champ médiatique. Au surplus, nous avions choisi de traiter un thème ou des thèmes à propos duquel ou desquels il existe déjà une abondante littérature de très bonne qualité – qu’il convenait naturellement de prendre en compte – et en même temps l’originalité de notre démarche – si elle en a une – était bien d’essayer de donner forme et force à une perspective un peu nouvelle. Il nous fallait, à partir de là, nous approprier le plus grand nombre possible de travaux antérieurs et travailler non pas à une impossible synthèse mais à la construction d’un cadre théorique renouvelé permettant de trouver, peut-être, des cohérences non encore mises au jour. A défaut de réussir une telle entreprise, ce qui était sans doute hors de notre portée – mais ’qui ne risque rien n’a rien’ – il était en toute hypothèse indispensable, à propos d’un pareil thème, de mener une réflexion théorique approfondie sur un certain nombre de concepts-clés, comme ’espace public’, ’opinion publique’, ’public’, ’champ médiatique’, ’champ politique’, ’médiation sociale’, ’représentations’, et ce dans un cadre aussi interdisciplinaire que possible. La question de l’espace public et de la construction médiatique de ’l’opinion publique’ en effet, si elle intéresse au premier chef les sciences de l’information et de la communication, nécessite également, à l’évidence, de faire appel à l’histoire, à la philosophie, à la sociologie, aux sciences politiques, à l’économie, à la sémiotique, etc. Ajoutons encore qu’au-delà des nombreuses lectures auxquelles nous avons procédé, la participation régulière à un certain nombre de colloques, séminaires et ’ateliers doctoraux’ nous a considérablement aidé sur un plan intellectuel. Ainsi, l’atelier doctoral européen organisé en septembre 1996 à Echirolles par l’Institut de la Communication et des Médias de l’Université Grenoble III Sthendal, de même que les différents congrès de la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication, ont grandement contribué à notre réflexion. Les séminaires réguliers de l’équipe de recherche ’Médias et identité’ dirigée par Jean –François Tétu ont également constitué un apport précieux pour nos travaux.

Mais la présente thèse n’est pas que spéculative. Notre recherche s’est également nourrie d’une expérience personnelle et professionnelle déjà longue ainsi que d’une fréquentation assidue des médias depuis de nombreuses années, et également d’une analyse empirique de cas concrets. Ancien militant et dirigeant départemental du Parti Communiste Français, nous avons travaillé pendant plusieurs années dans la presse communiste et, à ce titre, nous bénéficions d’un vécu politique et journalistique qui nous permet d’avoir une approche pratique de ces deux champs. Ancien directeur du Service Municipal de la Jeunesse de la ville de Vaulx-en-Velin (de 1985 à 1995), nous avons une connaissance concrète de l’administration territoriale, de la situation d’une ’banlieue rouge’ et de la communication politique locale. Nous avons d’ailleurs nous-même participé à cette communication locale tant dans le domaine de la jeunesse que dans le domaine culturel où nous exerçons actuellement ces fonctions. Nous avons enfin une longue expérience de militant et de dirigeant associatif, particulièrement dans le secteur de l’action contre le racisme et pour la multiculturalité. Au-delà du vécu qui nous a donné l’occasion d’approcher pratiquement quelques-uns des phénomènes que nous évoquons dans la présente thèse, nous avons entrepris une étude empirique d’un certain nombre de textes et d’images de la presse écrite, ainsi que d’émissions de télévision, de sondages d’opinion et de représentations médiatiques dans le cadre d’une approche sémiologique globale. Nous avons été également été conduit à utiliser largement la méthodologie exposée par Roland Barthes dans ’Le mythe aujourd’hui’ 1 pour analyser quelques mythologies contemporaines particulièrement prégnantes comme ’la société de communication’ ou ’l’opinion publique’.

Notes
1.

Roland BARTHES: Le mythe aujourd’hui in Mythologies, Editions du Seuil, Paris, 1957.