1.3.2.2. la loi Trautmann sur l’audiovisuel

La loi due à Catherine Trautmann, alors Ministre de la Culture et de la Communication, votée en première lecture à l’Assemblée Nationale le 18 Mai 1999, est incontestablement fondée sur de louables intentions, puisqu’elle a pour objet, pour l’essentiel, de repréciser les missions du service public de l’audiovisuel et de lui assurer de façon durable les moyens financiers indispensables tout en limitant la dimension commerciale et donc le recours à la publicité. Il s’agit donc, en théorie, de créer les conditions pour une télévision publique de qualité ne se préoccupant pas uniquement de l’audience.

Pour ce faire, la loi institue un ’holding’ de toutes les télévisions publiques (France 2, France 3, et La Cinquième), Arte en ayant été retiré à la demande du gouvernement allemand. Ce holding devrait être, selon la ministre, ’un véritable groupe industriel’ qui gérera les stratégies et la dimension financière, les chaînes conservant leur autonomie en matière de programmation sur la base de ’contrats d’objectifs’ établis par l’Etat. Le patron de ce holding sera nommé pour cinq ans par le C.S.A. au lieu de trois ans dans le système antérieur.

En matière de financement de l’audiovisuel public, la limitation du recours à la publicité va se traduire par un passage progressif de 12 minutes par heure à 8 minutes par heure. Cette baisse des ressources publicitaires pour le service public de 33% (environ 1,4 milliard de francs par an) sera compensée par une augmentation sensible des crédits publics, le budget annuel passant de 18,5 milliards de francs en 1999 à 19,5 milliards de francs en 2000. En tenant compte de la baisse des recettes publicitaires, l’audiovisuel public disposera donc d’un milliard de francs supplémentaires par an pour développer de nouveaux services (télévision numérique terrestre) et de nouveaux programmes.

En ce qui concerne l’audiovisuel privé, la loi vise à ‘renforcer la capacité du Conseil supérieur de l’audiovisuel à exercer son pouvoir de régulation pour mieux assurer le pluralisme et l’indépendance de l’information, notamment à l’égard des intérêts des actionnaires’ . C’est ainsi, par exemple, que le C.S.A. pourra demander aux actionnaires des chaînes ou des radios privées ‘toute information sur les marchés publics ou délégations de service public aux quels ils ont soumissionné’ . De même, avant d’attribuer les autorisations de diffusion aux différentes chaînes, le C.S.A. aura accès à un plus grand nombre d’informations économiques, en particulier sur la composition du capital des entreprises. Par ailleurs, le C.S.A. attribuera les autorisations de diffusion en fonction de nouveaux critères, notamment la contribution à la production de programmes locaux, les dispositions proposées pour ‘garantir le pluralisme, l’honnêteté et l’indépendance de l’information’ . Il pourrait s’agir, par exemple, ‘d’une charte de déontologie, d’un médiateur, d’une société des rédacteurs ou du choix d’une organisation sociale en conseil de surveillance et directoire’ . Pour ce qui est des radios, ’une part suffisante’ des fréquences devra être accordée aux radios associatives. D’une façon générale, le C.S.A. devra adopter des procédures plus transparentes lors du renouvellement des autorisations, soit en publiant une décision motivée, soit en organisant des auditions publiques des titulaires de fréquences, étant entendu que les chaînes satellitaires seront contrôlées par le C.S.A. comme le sont celles du câble. Enfin, la loi Trautmann vise aussi à réintégrer l’audiovisuel privé dans le droit commun de la concurrence pour tout ce qui concerne les modifications dans le capital des chaînes privées, les projets de concentration, les pratiques, éventuellement anti-concurrentiels. Néanmoins, le C.S.A. sera consulté sur ces questions.

Positive dans ses principes, cette loi n’est pas une révolution. Elle comporte des manques, par exemple sur le numérique terrestre hertzien, et elle renvoie à des décrets d’application la réglementation précise: régime de diffusion des films, obligations auxquelles seront soumis les opérateurs, etc. Elle comporte également des limites évidentes et des effets pervers. Ainsi, les 1,4 milliard de francs de recettes publicitaires qui n’iront plus vers le service public vont se reporter, sans aucune contrepartie, sur les chaînes privées. Il avait été envisagé un temps de créer une taxe spéciale pour récupérer cet argent mais cette bonne idée a été abandonnée. Par ailleurs, l’augmentation des ressources du service public (+ 4%) semble très insuffisante. Au total, il est clair que cette loi est le fruit d’un certain nombre de compromis qui en atténuent singulièrement la portée, comme en témoigne sa longue gestation. Elle a néanmoins le mérite de réaffirmer l’importance du service public et de lui donner des moyens structurels et financiers supplémentaires, même si ces derniers sont très insuffisants; en même temps, elle améliore un peu la régulation et elle accroît le rôle du C.S.A. C’est donc un texte qui va – timidement – dans le bon sens, mais qui n’est pas de nature à changer fondamentalement la donne.