1.3.4. L’emprise du journalisme

Corollairement à ce que nous venons d’indiquer à propos de la mythologie de la ’société de communication’ et du caractère quasiment incontournable des médias, on peut se demander si ne s’est pas développé un phénomène, que Pierre Bourdieu appelle ’l’emprise du journalisme’, par lequel ‘les mécanismes d’un champ journalistique de plus en plus soumis aux exigences du marché (des lecteurs et des annonceurs) s’exercent d’abord sur les journalistes (et les intellectuels-journalistes) et ensuite, et en partie à travers eux, sur les différents champs de production culturelle, champ juridique, champ littéraire, champ artistique, champ scientifique’ 185. Nous considérons en effet que Pierre Bourdieu a le mérite de poser une problématique originale et de présenter des analyses utiles. Pour autant, nous ne partageons pas nécessairement toutes ses conclusions, qui nous semblent à certains égards excessives, ni son approche quelque peu caricaturale - voire caractérielle - de la télévision; les formulations utilisées dans son ouvrage ’Sur la télévision’ nous semblent de ce point de vue souvent contestables (il reconnaît lui-même avoir été ‘obligé, en plus d’un cas, à des simplifications ou à des approximations’ ) 186 .

Pour traiter cette question, nous évoquerons à notre manière - en nous appuyant certes sur Pierre Bourdieu, mais aussi sur d’autres auteurs, que nous signalerons au passage - trois thèmes, qui n’épuisent pas le sujet, loin s’en faut, mais qui nous semblent pertinents du point de vue de la perspective qui est la nôtre; nous aurons naturellement à y revenir de façon plus concrète lorsque nous nous emploierons précisément à vérifier nos hypothèses de départ: le champ journalistique et ses spécificités; la domination de la télévision; enfin les interactions entre le champ journalistique et les autres champs.

Notes
185.

pierre BOURDIEU: L’emprise du journalisme in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 101-102, Mars 1994, p. 3.

186.

Pierre BOURDIEU: Sur la télévision, opus cité, p. 6.,