2.2.1.3. L’image dans la presse écrite

Il est évidemment impossible d’étudier l’iconographie des quelques 3000 publications régulières - quotidiennes ou périodiques, généralistes ou spécialisées - qui constituent la presse écrite française. Il suffit néanmoins de jeter un coup d’oeil sur les journaux et revues en vente dans une maison de la presse et de les feuilleter rapidement pour constater que, d’une façon générale, les organes de presse, et particulièrement les magazines, sont généreusement et richement illustrés par de nombreuses photographies, le plus souvent imprimées en quadrichromie et en grand format. Ainsi, la plupart des revues présentent à la ’une’ une photographie qui occupe toute la page, avec un titre ’choc’ et très court en surimpression (en très gros caractères) et, éventuellement, quelques titres de moindre importance. Ce type de ’une’ - que l’on retrouve dans la presse institutionnelle (municipale, chambres de commerce et d’industrie, patronale, etc.) - semble bien être devenu un modèle canonique, même pour les publications considérées comme ’sérieuses’. Aujourd’hui, s’il est vrai que la ’une’ ’fait vendre’, on peut penser que, sauf cas particulier, un magazine qui ne présenterait pas de photographies à la ’une’ aurait sans doute des difficultés à trouver un marché. Il y a là un effet de ’vitrine’ du réel, sans doute dû à la contagion par la télévision, qui semble de plus en plus incontournable. De même que l’image occupe tout l’écran du téléviseur, permettant à celui-ci d’apparaître comme une fenêtre ouverte sur le monde, de même la ’une’ d’un périodique doit ressembler à un morceau de réel qui aurait été découpé à l’intention du lecteur/spectateur/voyeur. En tout cas, pour avoir participé à Vaulx-en-Velin (Rhône), à un groupe de travail chargé d’évaluer les propositions formulées par un cabinet - conseil en communication à propos d’une nouvelle formule du magazine municipal, nous avons eu l’occasion de constater que le discours des professionnels était axé sur l’importance extrême de l’iconographie, en raison, disaient-ils, de la concurrence de la télévision et des habitudes de ’lecture’ que celle-ci produit. Sans prendre ce discours pour argent comptant, on ne peut pas, selon nous, faire abstraction de la télévision, et de l’environnement iconographique général (notamment la publicité), pour comprendre cette espèce de surenchère dans l’image qui caractérise une grande partie de la presse écrite.

La presse quotidienne, elle, même si elle n’est pas tout à fait épargnée par ce phénomène, reste généralement plus sobre en matière d’illustration photographique, pour des raisons liées en partie aux coûts et en partie à une logique interne qui privilégie l’information écrite plutôt que l’image, particulièrement dans la presse ’nationale’. Au surplus, le lectorat de la presse quotidienne nationale, comme le montrent les enquêtes du Centre d’Etude des Supports de Publicité, se trouve plutôt dans les classes aisées et les groupes sociaux cultivés qui sont davantage demandeurs d’information, d’analyses et de commentaires, c’est-à-dire de texte, que d’images. En revanche, la presse quotidienne régionale, dont le lectorat est beaucoup plus ’populaire’, recourt assez largement à la photographie, y compris en quadrichromie.

Pour essayer de concrétiser quelque peu ces indications générales, et pour tenter d’aller un peu plus loin dans l’analyse, nous nous proposons d’étudier de façon un peu plus détaillée l’iconographie de quelques publications significatives, étant entendu que cette analyse sommaire n’aura qu’une valeur indicative. Nous avons donc limité notre propos au ’Monde’ et à ’Libération’, pour ce qui est de la presse quotidienne nationale, au ’Progrès de Lyon’ pour ce qui est de la presse quotidienne régionale, au ’Nouvel Observateur’ pour ce qui est des magazines d’informations générales ou ’news’ et à ’Paris-Match’ pour ce qui est de la presse ’people’. Dans tous les cas, l’étude n’a porté que sur le mois de Septembre 1999 pour la presse quotidienne nationale et régionale et sur les mois de Septembre et octobre pour la presse périodique, en l’occurrence hebdomadaire. Nous sommes conscient du fait qu’il s’agit là d’un corpus très modeste mais qui, en l’espèce, nous semble suffisant pour montrer les grandes tendances caractérisant l’usage de l’image dans ces différents supports.