2.3.2. Deux ’affaires’ emblématiques

Le caractère profondément émotionnel des médias, et particulièrement de la télévision, n’a guère besoin d’être longuement démontré, tant il apparaît clairement dans la plupart des journaux - y compris ceux qui sont considérés comme une ’référence’ - et sur la plupart des chaînes, y compris celles du service public. Cela nous semble d’ailleurs pas très étonnant, dans la mesure où nous voyons un lien très direct entre la recherche de l’émotion et la ’dictature de l’audimat’ qui régit, fondamentalement, le dispositif médiatique. L’émotion n’est-elle pas l’un des ressorts essentiels de l’être humain et donc un moyen privilégié pour attirer ou conserver lecteurs, auditeurs et téléspectateurs ? Et à l’extrême, un certain nombre de supports médiatiques (journaux, livres, films, émissions de télévision) ne doivent leur audience - parfois très importante - qu’à leur capacité toujours renouvelée à utiliser toutes les techniques imaginables pour produire - et vendre - de l’émotion. Le succès impressionnant de la presse ’people’ ou à ’sensation’, des ’love stories’ de tous ordres, de films comme ’le Titanic’ ou d’émissions de télévision axées sur l’intimité nous semble bien étroitement lié à une utilisation sans vergogne de thèmes et de procédés générateurs d’émotion 351.

Mais au-delà de ces médias qui n’existent en somme que par et pour l’émotion (et à des fins strictement mercantiles), il nous semble important d’insister sur le fait que l’émotion constitue bien - peu ou prou - l’un des ressorts essentiels de la quasi totalité des médias, et ce, quels que soient les genres considérés: fiction, jeux, variétés, sport, etc. Et l’information elle-même apparaît comme presque totalement déterminée par l’émotion susceptible d’être produite, que ce soit en termes de choix de sujets à traiter ou de manière d’aborder lesdits sujets. Pour corroborer cette hypothèse, nous nous contenterons d’évoquer deux cas, à nos yeux relativement emblématiques de la prégnance de l’émotionnel dans l’information médiatique: ’l’affaire’ du sang contaminé et la ’marée noire’ du pétrolier ’Erika’ qui a atteint le littoral atlantique à partir du 24 Décembre 1999.

Notes
351.

Pour mémoire, on ne peut qu’être frappé (ou consterné) par les 825 000 exemplaires hebdomadaires de ’Paris Match’, les 622 000 exemplaires hebdomadaires de ’France Dimanche’, les 486 000 exemplaires d’ ’Ici Paris’, les 752 000 exemplaires hebdomadaires de ’Voici’, pour ne citer que les tirages les plus importants (source: La presse française de Pierre Albert, opus cité, chiffres de 1997). Les scores de certains ’magazines’ télévisés ’people’ sont également édifiants: citons par exemple les 6,5 millions de téléspectateurs de ’Sagas’ (TF1), les 3,5 millions de téléspectateurs de ’Y’a pas photo’ (TF1) diffusé à 22h50, les 3,5 millions de téléspectateurs de ’Ca se discute’ (France 2), pourtant diffusé à 22h40, etc. (source: médiamat - médiamétrie 1999).