3.2.3. Critique épistémologique des sondages d’opinion

Jusqu’à présent, nous avons laissé de côté, pour l’essentiel, ce que Patrick Champagne appelle ’les problèmes de métaphysique politique’ 591 qui renvoient non plus à une critique purement technique, mais à une critique épistémologique, même si ces deux aspects sont liés. Il nous paraît donc nécessaire maintenant de revenir à une critique radicale des sondages d’opinion considérés non plus comme instruments de mesure des opinions individuelles mais comme moyen de connaître l’opinion publique. Nous le ferons en reprenant dans un premier temps les principaux éléments du texte classique – mais selon nous incontournable – de Pierre Bourdieu, intitulé: ’L’opinion publique n’existe pas’ 592; nous essaierons, dans un second temps, de montrer comment les politologues, les instituts de sondage, la presse, les champs politique et économique ont imbriqué leurs intérêts propres et leurs déterminations spécifiques pour imposer leur conception de l’opinion publique en ’transformant du même coup cette simple technique d’enquête en instrument de légitimation politique très sophistiqué’ 593; nous tenterons enfin de mettre en évidence le fait – dont les conséquences sont extrêmement lourdes – que ’l’opinion publique’ telle qu’elle est ’mesurée’ par les instituts de sondage a bel et bien acquis une existence sociale incontestable dans la mesure où elle est devenue ‘’une croyance collective dont la fonction politique objective est d’assurer, dans les régimes de type démocratique, une sorte de régulation de la lutte politique’ 594.’

Notes
591.

Ibid. p. 103.

592.

Opus cité.

593.

Faire l’opinion, opus cité, p. 90.

594.

Ibid. p. 122.