1.1.4. La notion d'"action une"

Il faut être prudent au sujet du sens du mot "une" car si on peut lui attribuer son sens numéral, c'est-à-dire qu'"une action une" signifierait nettement "une seule action", on peut également lui accorder le sens d'"unifiée".

C'est ce second sens que nous retiendrons ici : les parties du "tout" que constitue l'action "une" doivent être agencées de telle sorte que, si l'une d'elles est déplacée ou supprimée, le tout est disloqué et bouleversé. Chaque action doit donc entretenir un lien étroit et explicable avec les autres. Aristote souligne cette relation logique qui unit les éléments lorsqu'il dit qu'"‘un commencement est ce qui ne suit pas nécessairement autre chose, mais après quoi se trouve ou vient à se produire naturellement autre chose’" (Aristote, traduit par Dupont-Roc et Lallot, 1980 : 51b25). Le commencement d'une action peut être défini comme tel, non pas parce que rien ne s'est passé avant, mais parce que ce qui s'est passé avant n'est pas dans un rapport de causalité avec ce qui suit. En effet, il est tout à fait différent de dire "‘ceci se produit à cause de cela" et "ceci se produit après cela’". Il y a donc une très nette distinction entre l'enchaînement chronologique et l'enchaînement causal et la causalité apparaît comme un critère essentiel de la narrativité. Autrement dit, en créant un lien logique entre les événements, en fournissant des intentions et des motifs d'agir, des causes et des conséquences, le récit se situe au-delà de la simple relation chronologique2.

Notes
2.

Ces notions de "lien de causalité" et de "lien d'implication" sont développées dans la quatrième partie consacrée à l'analyse de la relation sémantique de cause/conséquence.