Rappelons que les travaux de Mandler et Johnson (1977) de Glenn, (1978) et de Stein et Glenn (1979) ont montré que la structure narrative type "grammaire de récit" se manifeste sous la forme d'un U à la branche droite raccourcie dès l'âge de 6 ans et ces résultats sont donc en contradiction avec ceux que nous venons de présenter.
Dans le cadre de cette thèse, nous nous fierons aux recherches définissant l'âge de 6 ans plutôt que l'âge de 8 ans, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, les variables manipulées par les auteurs partisans de l'âge de 8 ans étaient nombreuses et peu contrôlées.
Deuxièmement, les résultats obtenus sur la base des grammaires de récits vont dans le même sens que les résultats obtenus par les linguistes sur le schéma quinaire (i.e. orientation/complication/evaluation/ résolution/coda) de Labov et Waletsky (1967). En effet, un nombre extrêmement important d'auteurs a cherché à identifier l'âge d'acquisition du schéma narratif quinaire, et ce, dans une visée fonctionnaliste (i.e. formes/fonctions) (Bamberg, 1987 ; Berman, 1988 ; Marchman, 1989 ; Kail et Hickmann, 1992 ; Verhoeven, 1993 ; Berman et Slobin, 1994 ; Kern, 1997 ; Akinci, 1999) ou autre (Botvin et Sutton-Smith, 1977 ; Kernan, 1977 ; Umiker-Sebeok, 1979 ; Peterson et McCabe, 1983 ; Kemper, 1984 ; De Weck, 1991) ont montré que la macrostructure narrative se développe très précocement : dès l'âge de 5 ans, un sujet est capable de restituer, à l'oral, les trois principales composantes du schéma canonique, à savoir l'orientation, la complication et la résolution. Avant cet âge, le jeune enfant se contenterait de produire le début et la fin de l'histoire sans référence aucune à la phase centrale, au "sommet" du récit.
Pour ces deux raisons donc mais plus essentiellement pour la seconde, nous gardons à l'esprit que le schéma— qu'on l'appelle "grammaire de récit" ou "schéma quinaire" — est acquis autour de l'âge de 5/6 ans plutôt qu'à l'âge de 8 ans.
Les différentes expériences menées par les psychologues et les linguistes pour définir l'âge d'acquisition du schéma montrent que de nombreux éléments jouent un rôle déterminant sur la qualité des rappels effectués par les sujets : relations logico-causales interpropositionnelles, respect de l'ordre canonique, etc. Cependant, aucun des auteurs cités jusqu'à présent ne tient compte des aspects lexical et syntaxique. Aussi allons-nous combler ce manque en proposant un aperçu des études de Ehrlich et Florin (1981) et Freebody et Anderson (1983).