Les résultats présentés dans ce cinquième chapitre ont permis de confirmer ou d'infirmer les hypothèses énoncées dans le cadre de ce chapitre.
Rappelons que le chapitre s'est divisé en deux parties : la première présentait une analyse toutes CN confondues alors que la seconde envisageait les restitutions CN par CN.
Aussi, qu'il s'agisse de l'observation du corpus toutes CN confondues ou CN par CN, les hypothèses posant que la comparaison des restitutions du PCR (i.e. [+ connu]) et de DAN (i.e. [– connu]), devrait, d'après les travaux déjà menés sur le sujet, conduire à des différences non significatives, sont confirmées : la structure narrative en trois composantes est plus forte que la variable "texte" introduite dans notre expérimentation.
Pour ce qui est de la variable "âge", nous allons séparer les résultats obtenus toutes CN confondues et CN par CN de manière à ce que ce récapitulatif soit le plus clair possible. En ce qui concerne l'hypothèse développementale toutes CN confondues et toujours en lien avec les études conduites sur le sujet, nous prédisions que la restitution de la structure narrative correspondrait à une acquisition précoce. Nos données infirment cette hypothèse car les sujets de 6 ans se distinguent significativement, quel que soit le texte à restituer, de l'ensemble des autres tranches d'âge. Ici, deux interprétations sont envisageables : soit on conclut que le schéma de récit n'est pas acquis avant l'âge de 7 ans, soit on peut allouer cette différence aux difficultés liées à la non-automatisation de l'activité grapho-motrice. La première conclusion semble plutôt aberrante étant donné l'ampleur des travaux ayant défini la structure narrative comme un phénomène acquis autour de l'âge de 5 ans. En revanche, la seconde explication paraît solide pour diverses raisons : d'une part, les quelques commentaires métalinguistiques cités témoignent du traitement "graphème par graphème" effectué par les plus jeunes sujets lors d'une tâche d'écriture et, d'autre part, la décomposition en CN I, CN II et CN III des trois CN confondues en début d'analyse montre qu'il faut attendre l'âge adulte avant que les CN soient toutes les trois aussi systématiquement rappelées.
Cette dernière remarque permet de faire le point sur l'hypothèse développementale CN par CN : nous avons constaté que les trois CN ne suivaient pas le même développement c'est-à-dire que certaines étaient restituées précocement alors que d'autres relèvaient d'une restitution tardive. Le rappel de la CN I est, en effet, antérieur à celui de la CN II et à celui de la CN III. Autrement dit, plus on avance dans le récit et moins on restitue d'éléments. Il nous semble que la corrélation entre "CN I bien restituée, CN II moins bien restituée et CN III mal restitué" et "début de l'activité d'écriture, milieu de l'activité d'écriture et fin de l'activité d'écriture" est trop évidente pour ne pas allouer ces différences à des difficultés liées à la non-automatisation de la tâche graphique.
D'après les données recueillies sur du [– connu], cette "fluidité" du tracé commencerait à être effective à l'âge de 9/10 ans car c'est seulement à cet âge que l'ensemble des enfants mentionne la fin du texte. Certes les différences entre CN II et CN III, d'une part, et CN I et CN III, d'autre part, restent significatives car une seule des deux résolutions est restituée : les enfants pensent, en priorité, à la libération des héros avant de se préoccuper de la trouvaille du coussin de l'indienne. Cette observation va dans le sens des recherches menées sur le sujet (Bereiter et Scardamalia, 1983 ; De weck, 1991 ; Bourdin, 1994).
Autrement dit, on peut dire que dans le cas du récit [+ connu], la non restitution de certains éléments relève d'un problème de maintien de l'activité graphique, alors que dans le cas de l'histoire [– connu], il s'agit d'une difficulté d'activation de l'information.
Les hypothèses concernant la combinaison des deux variables "texte" et "âge" sont également confirmées. Pour ce qui est de l'étude toutes CN confondues, le trait [+ connu] aide, effectivement, à la tâche de restitution chez certaines tranches d'âge : ici, il s'agit des sujets de 6 ans. Pour ces plus jeunes enfants, la différence entre la restitution des CN du PCR et celle des CN de DAN aboutit à un écart significatif, les CN étant plus rappelées dans le PCR. Autrement dit, chez les plus jeunes sujets, l'allègement des opérations de textualisation dites de haut niveau, comme l'activation des contenus en mémoire et l'organisation de ces mêmes contenus libère de l'espace cognitif qui peut alors être réinvesti à un niveau plus bas, le niveau grapho-moteur.
De même, mais cela concerne alors l'analyse CN par CN, le stade atteint par les 9 et les 10 ans dans DAN correspond au stade atteint dès l'âge de 6 ans dans le PCR (i.e. différence significative seulement entre CN II et CN III). Ici encore, on peut donc conclure que le trait [+ connu] facilite l'activité de restitution.
Ce chapitre, en mesurant la restitution de supports auditifs [+/– connu] sur la base de trois CN, a envisagé le contenu narratif à rappeler de manière très globale. Néanmoins, entre le but, la phase de complication et de résolution, gravit un ensemble de propositions narratives tout aussi essentielles que celles ayant fait l'objet de ce chapitre : il s'agit des SCN. Ces dernières permettent le passage d'une CN à une autre, elles servent de "liant" et contribuent donc au principe de cohérence textuelle. Le chapitre 5 se propose de les analyser afin de comprendre plus précisément comment les sujets développent et organisent leurs restitutions.