3.3. DU [+ INTÉGRÉ] AU [– INTÉGRÉ]

Koch (1995) distribue ces quatre moyens de connexion sur un axe allant d'un pôle [– intégré] à un pôle [+ intégré] que nous pouvons représenter comme suit :

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Figure 23 : Schématisation des différents degrés d'intégration de Koch (1995).

Pour illustrer cette figure, nous pouvons donner un exemple pour chacune des catégories représentées :

  1. Il a peur, il tombe.

  2. Il a peur et il tombe.

  3. Il tombe car il a peur.

  4. Comme il a peur, il tombe.

  5. Il tombe parce qu'il a peur.

  6. Ayant peur, il tombe.

Ainsi, (1) correspond à la juxtaposition, (2) et (3) à la coordination et (4), (5) à la subordination fléchie et (6) à la subordination non fléchie. Ces exemples montrent que le sujet a effectivement le choix entre différentes formes et différents ordres de présentation pour exprimer une RCC mais précisons que cet inventaire est loin d'être exhaustif. En effet, il existe bien plus de possibilités que les 6 posées ici : sa peur provoque sa chute, sa peur le fait tomber...

Aussi faut-il être bien clair : l'étude à venir n'observe la RCC qu'au travers de la juxtaposition, de la coordination et de la subordination c'est-à-dire qu'elle ne prend pas en compte le sémantisme et la construction des verbes, ni même le sémantisme des propositions les contenant.

Il est cependant nécessaire d'insister sur le fait que toutes les formes citées en exemple ne sont pas exactement identiques, c'est-à-dire que le sujet n'a pas véritablement le choix entre différents moyens syntaxiques équivalents : ce choix est, en effet, imposé par un grand nombre de critères d'ordre cognitif, sémantique, syntaxique, pragmatique, etc.

Dans une perspective développementale, de nombreux auteurs (Peterson et McCabe, 1983 ; Jisa, 1984/1985, 1987 ; Berman, 1988, 1990 ; Ragnasdottir, 1991 ; Berman et Slobin, 1994) font correspondre ces trois possibilités de marquage (i.e. juxtaposition vs coordination vs subordination) à trois stades développementaux : les enfants commencent par juxtaposer les événements à relater (i.e. effet de "liste"), puis autour de l'âge de 5 ans, ils ont recours à la coordination avec une utilisation massive de la conjonction de coordination "et", et c'est seulement vers l'âge de 9 ans que les sujets parviennent à exploiter les trois moyens disponibles (i.e. effet de "texte").

Précisons que, comme l'a fait Koch (1995), quelques auteurs (Jisa et Kern, 1998 ; Gayraud et al., à paraître ; Blanche-Benveniste, 1995) départagent la subordination en subordination fléchie et non fléchie et montrent que le type de connexion apparaissant comme le plus intégré sur l'échelle de Koch (i.e. la subordination non fléchie) correspond à une acquisition tardive (Jisa et Kern, 1998 ; Gayraud et al., à paraître) et à une forme relativement rare en français parlé (Blanche-Benveniste, 1995). L'acquisition tardive s'expliquerait, entre autre, par le fait que le sujet doive garder en tête le sujet de l'action afin de l'intégrer dans la principale et le temps afin d'assurer la concordance requise par la dépendance.

Pour traiter la RCC, nous allons organiser notre étude en deux chapitres : d'une part, nous observerons les RCC restituées par les sujets car présentes dans les supports initiaux et, d'autre part, nous décrirons les RRC ajoutées car absentes des supports initiaux. En effet, ce n'est pas parce qu'un sujet ne restitue pas les RCC des textes initiaux qu'il n'a pas acquis cette relation sémantique. Rappelons que les sujets restituent en priorité les moments importants de l'histoire et nous allons voir que certaines des RCC relevées dans les supports participent à ces passages. Aussi le chapitre consacré aux RCC ajoutées permet-il d'éviter d'aboutir à des conclusions trop hâtives quant à l'acquisition de la relation sémantique qui nous intéresse ici.