RÉCAPITULATIF

Après avoir relevé les 8 RCC exprimées explicitement (i.e. 4 dans le PCR et 4 dans DAN), le chapitre s'est organisé en deux grandes parties et ce récapitulatif s'agence pareillement : dans un premier temps, nous allons rappeler les hypothèses et les résultats obtenus tous moyens de connexion confondus puis, dans un second temps, nous résumerons ce qu'il en a été pour chacune des possibilités de liage interpropositionnel.

Dans les deux cas, trois hypothèses ont été expérimentées.

En ce qui concerne la restitution des RCC explicites tous moyens de connexion confondus, nous avons, premièrement, voulu tester si l'un des deux textes favoriserait le rappel de cette relation sémantique acquise, d'après la littérature, à la suite de celle d'addition ou de séquentialité. Nous pensions que le récit [+ connu] obtiendrait des pourcentages de reprise supérieurs à ceux de DAN du fait que certaines activités cognitives comme l'activation en mémoire ou l'organisation des contenus soient allégées. Cependant, cette première hypothèse s'est vu infirmée car la différence entre le rappel des RCC explicites du PCR et de DAN n'est pas significative. Toutefois, nous avons noté que la variation interindividuelle conséquente pouvait être responsable de cette non significativité des données. Cette remarque ne sera pas réitérée pour chaque cas d'infirmation d'hypothèse mais il faut la garder à l'esprit tout au long de ce récapitulatif car nous la posons, presque assurément, à l'origine des résultats non significatifs. De nouvelles expériences avec un nombre de sujets plus important seraient intéressantes ici.

La deuxième hypothèse est développementale et postule que les RCC seront de mieux en mieux restituées de 6 ans à l'âge adulte. Cette prédiction se construit sur le fait que la mobilisation des structures écrites capables de rendre compte des RCC requiert des ressources cognitives importantes. Cette hypothèse acquisitionnelle est confirmée car, dans le PCR, on note trois stades développementaux (i.e. 6 vs 7/8/9/10 ans vs adultes) et, dans DAN, on en relève deux (i.e. enfants vs adultes). Autrement dit, quel que soit le texte soumis à restitution, les enfants s'opposent significativement aux adultes qui restituent 3 à 4 fois plus de RCC qu'eux. Cependant et pour la défense des plus jeunes sujets, les RCC explicites ne sont pas toutes aussi importantes les unes que les autres et les enfants, nous l'avons vu (cf. chapitre 5) et nous le verrons de nouveau (cf. chapitre 8), ont tendance à ne rappeler que les éléments essentiels à l'histoire.

Enfin, pour la dernière hypothèse concernant les moyens de connexion en général, c'est-à-dire les RCC restituées tout simplement, nous avions prédit que si le texte [+ connu] aidait à la restitution des RCC, ce rôle facilitateur s'observerait plus clairement chez les jeunes sujets qui parviennent plus rapidement que les grands à un engorgement, à une saturation cognitive, de par le nombre important d'activités non encore automatisées. Comme la première hypothèse, celle-ci est donc infirmée, aucun écart significatif ne pouvant être relevé, quelle que soit la tranche d'âge.

Pour ce qui est des différents moyens de connexion possibles (i.e. juxtaposition, coordination, subordination fléchie et non fléchie) nous pensions que le trait [+ connu] donnerait lieu à des RCC exprimées à l'aide d'outils beaucoup plus intégrés que ceux qui sont utilisés pour rendre compte de ces mêmes relations dans DAN. En effet, nous avons vu que la subordination relève d'une activité cognitive plus coûteuse que la juxtaposition par exemple, et nous supposions que seules les productions effectuées sur la base du support [+ connu] présenteraient de telles constructions complexes car les sujets sont, dans cette situation, déchargés de nombreuses activités cognitives nécessaires à l'élaboration de toute narration. Cette hypothèse est infirmée, la connaissance préalable du PCR n'aidant en rien le rappel des différentes RCC explicites, et cette remarque est valable pour tous les groupes d'âge, ce qui infirme également la troisième hypothèse formulée au sujet des différents moyens de connexion qui allaient être utilisés par les sujets. En effet, nous avions prédit que si les différences entre la proportion de juxtaposées, de coordonnées, de subordonnées fléchies et non fléchie du texte [+ connu] et celle du texte [– connu] n'étaient pas significatives chez les sujets les plus âgés, elles le seraient chez les jeunes enfants. Or, ce n'est pas le cas étant donné que l'observation de ces écarts mène à des résultats non significatifs.

La deuxième hypothèse est, comme il en est d'habitude, plus développementale et prédit que plus on se rapprochera de l'âge adulte, plus les moyens de connexion sélectionnés par les sujets se situeront sur la droite du continuum de Koch (1995), c'est-à-dire qu'ils devraient correspondre à des constructions [+ intégré] comme la subordination par exemple. Le traitement des données ainsi organisées montre que la variable "âge" n'est significative que dans le cas de la juxtaposition et de la subordination fléchie et non fléchie. Pour la coordination, on ne relève, en effet, aucune significativité ni globale, ni entre tranche d'âge.

Pour la juxtaposition, qui correspond, rappelons-le, à l'outil situé le plus à gauche sur l'axe de Koch (1995) donc le [– intégré], les proportions diminuent mais cette chute est effective de 7 ans à l'âge adulte. En effet, les enfants de 6 ans n'ont pas recours à ce procédé comme il n'ont recours à aucun autre d'ailleurs du fait qu'ils ne restituent pas ou presque pas les RCC relevées dans les textes initiaux. Ensuite, de 7 ans à l'âge adulte, cette diminution est tellement progressive que les pourcentages ne permettent pas d'isoler quelque palier que ce soit.

Pour la subordination fléchie, les sujets peuvent être répartis en deux groupes, et ce, pour les deux supports auditifs. Cependant, et nous verrons que ce bémol est important, les deux ensembles ne se composent pas des mêmes sujets selon que le texte est [+/– connu] : dans le cas du PCR, les enfants s'opposent aux adultes tandis que, dans le cas de DAN, les 6, les 7, les 8 et les 9 ans forment un premier palier et les 10 ans et les adultes constituent le second. L'intérêt de cette observation réside dans le fait que les 10 ans qui, dans le texte [+ connu] se comportent comme des enfants, se rangent, en situation de restitution du texte [– connu] du côté des adultes. Cela s'explique si l'on examine les productions réelles des sujets de 10 ans : leurs récits présentent, en effet, un nombre de reprises littérales non négligeable et 2 des 4 RCC de DAN (i.e. RCC 1 et RCC 4) sont exprimées au moyen d'une subordination fléchie. Aussi semblerait-il que le texte [– connu] ne permette pas aux sujets de prendre du recul par rapport à l'histoire à restituer, ce qui expliquerait qu'ils répètent littéralement les formes syntaxiques entendues lors du passage de la bande sonore. Reprendre des termes induits par un support représenterait-il une activité moins coûteuse que celle mise en place lorsque l'on se sert de son "réservoir" personnel.

Toujours au sujet de ces reprises littérales, nous avons noté que celles-ci, soit se retrouvaient à l'endroit où elles avaient été entendues, soit étaient introduites à d'autres endroits du texte pour exprimer d'autres situations. Dans le premier cas, on peut émettre l'hypothèse que la forme a simplement été mémorisée alors que, dans le second, on peut prédire que les sujets se la sont appropriée, c'est-à-dire qu'ils auraient peut-être profité de ce travail pour enrichir leur stock de structures syntaxiques d'une nouvelle forme.

En ce qui concerne la subordination non fléchie, on a constaté que seuls très peu de sujets de 10 ans et des adultes utilisent ce procédé de connexion interpropositionnel qui correspond, dans la littérature déjà, à une acquisition tardive.

Précisons enfin que les analyses s'achèvent sur un examen des moyens employés par les sujets pour rendre compte de la RCC 1 de chacune des histoires-supports : cette étude de cas représente une illustration concrète de ce qui se passe plus généralement sur l'ensemble du corpus, c'est-à-dire que les moyens sont clairement de plus en plus intégrés avec l'âge.

Cependant, pour que l'analyse de la mise en place de la RCC soit tout à fait complète, il est nécessaire de ne pas circonscrire notre analyse aux seules RCC restituées, et pour examiner l'ensemble des RCC du corpus, nous nous sommes intéressée aux RCC ajoutées par les sujets, c'est-à-dire aux RCC non induites par les supports auditifs entendus en phase de préparation au travail d'écriture.