Pour les deux textes soumis à rappel, la combinaison des variables "catégorie" et "âge" a un effet significatif sur la distribution des quatre catégories étudiées (F(3,216) = 9,657 ; p < 0,0001 pour le PCR et F(3,216) = 1,776 ; p = 0,03 pour DAN).
On peut noter qu'à l'exception des 6 ans en situation de restitution du PCR, les verbes sont en proportion plus importante que les noms, les adjectifs ou encore les adverbes en –ment. Ces résultats justifient donc que, très jeunes, les sujets comprennent qu'une histoire repose sur l'action et que celle-ci est rendue par l'utilisation de verbes mais précisons également que l'introduction de verbes est absolument nécessaire à la construction de la phrase alors que ce n'est pas le cas des trois autres catégories lexicales. En effet, si les adjectifs et les adverbes sont optionnels, les noms peuvent être remplacés par des pronoms par exemple. Rappelons aussi que les supports initiaux eux-mêmes contenaient plus de verbes.
Cette utilisation se fait toutefois par étape, tout au moins dans le PCR où les 6 ans s'opposent de manière significative à toutes les autres tranches d'âge (p < 0,0001). Dans DAN, les écarts entre groupes de sujets ne sont pas significatifs.
En ce qui concerne les noms, le PCR fait aussi apparaître plusieurs paliers distincts (les 6 ans s'opposent aux 7 ans (p < 0,0001) qui constituent le second stade développemental avec les 8, les 9 et les 10 ans, ce dernier se distinguant des adultes (p = 0,02)) alors que DAN ne présente, de nouveau, aucune différence significative.
Quant aux catégories des adjectifs et des adverbes en –ment, on remarque qu'elles se développent en fonction de l'âge mais, comme les verbes et les noms, pas de la même manière selon que le support à restituer soit [+/– connu]. En effet, en ce qui concerne les adjectifs, dans le PCR, on dégage deux stades acquisitionnels : les enfants s'opposent aux adultes (p = 0,03). Dans DAN, l'observation des moyennes de pourcentage montre que cette catégorie évolue progressivement mais, d'une classe d'âge à une autre, aucune différence n'est significative.
Pour les adverbes, c'est l'inverse : si leur utilisation se fait en deux étapes dans DAN (la différence est significative entre les 9 et les 10 ans (p = 0,02)), le PCR ne donne lieu à aucun développement significatif. Rappelons quand même que les adverbes sont très peu représentés (1 %) dans le PCR initial, ce qui pourrait être à l'origine de leur non-emploi en situation de restitution du conte.
Comme sur les figures 27 et 28, les écarts entre une catégorie et les trois autres est toujours significatif (i.e. les verbes s'opposent significativement aux noms, aux adjectifs et aux adverbes en –ment, les noms s'opposent significativement aux verbes, aux adjectifs et aux adverbes en –ment, etc.). Nous pouvons toutefois nous demander pourquoi les 6 ans utilisent plus de noms en restitution du texte [+ connu]. Si on observe plus précisément les noms utilisés, on constate que ces derniers correspondent aux "noms-clés" de l'histoire, termes saillants pour les sujets ayant fréquemment entendu le récit. Ces noms caractéristiques sont, pour ce qui est des personnages principaux, "Petit Chaperon Rouge", "maman", "loup", "grand-mère", "chasseur" et, pour ce qui est des objets propres au conte, on trouve régulièrement "pot", "beurre", "confiture", "galette", "chemin", "fleur", "ventre"...
Autrement dit, le trait [+ connu] contribue à la production des noms qui permettent la reconnaissance du support initial et du fait que ceux-ci sont nombreux, on peut dire que le trait [+ connu] contribue à la diversification des noms.
Par ailleurs, cet exemple montre également que les catégories nominale et verbale se compensent puisque les verbes le composant sont relativement "pauvres" : sur 8 clauses, le verbe "prendre" est utilisé 4 fois, ce qui représente la moitié des prédicats.
Au contraire, en situation de restitution d'un texte [– connu], le faible degré de familiarité de l'histoire ne permettrait pas la mémorisation, et donc la production, de ces "noms-clés", la catégorie verbale augmentant alors d'autant.
Cette analyse rend compte du fait que la densité lexicale des productions s'expliquerait par la diversité lexicale de celles-ci.