Ce chapitre, introduit pour vérifier certains des résultats obtenus lors du précédent (i.e. diversification des noms dans le PCR et diversification des verbes dans DAN), remplit tout à fait son rôle.
Outre une analyse de la pertinence de ces deux observations, différentes hypothèses ont été testées. Cependant, avant de répondre aux questions que nous posions, nous avons évidemment montré que, toutes catégories lexicales confondues ou catégorie par catégorie, même si les écarts ne peuvent être appréhendés statistiquement, la similitude des indices de diversité lexicale obtenus indique que les deux histoires-supports sont tout aussi variées l'une que l'autre. Aussi, si différences il y a entre les restitutions du PCR et celles de DAN, cela ne vient-il pas du fait que les supports initiaux soient, eux-mêmes, différemment diversifiés.
Toutes catégories lexicales confondues, les analyses montrent que si la variable "âge" a un effet significatif, on ne note aucune influence de la variable "texte" c'est-à-dire que les écarts, globaux ou pour chaque tranche d'âge, sont toujours non significatifs. Autrement dit, nous pensions que le trait [+ connu] permettrait aux sujets, surtout aux plus jeunes d'entre eux, de faire varier les items lexicaux sélectionnés mais le PCR ne facilite en rien cette activité de diversification.
Pour ce qui est donc du corpus envisagé dans une perspective acquisitionelle, nous avons prédit que l'indice de diversité lexicale évoluerait en même temps que se développerait la taille du répertoire lexical des sujets et cette hypothèse est confirmée. Toutes catégories lexicales confondues, l'acquisition se fait de la même manière que le texte soit ou non préalablement connu — d'où la non significativité des écarts d'ailleurs — : les sujets se répartissent en trois groupes. Le premier palier se compose des enfants de 6 ans, le second rassemble ceux de 7, de 8, de 9 et de 10 ans et, enfin, le troisième regroupe les adultes. Le mot "grand-mère" a été une excellente illustration de ce qui survient à chacun de ces différents stades développementaux.
En ce qui concerne la variable "texte", catégorie par catégorie, les résultats valident l'hypothèse expérimentée. Nous tenions à mesurer statistiquement les remarques évoquées dans le chapitre précédent au sujet de diversification des noms dans le PCR et de la diversification des verbes dans DAN. C'est chose faite et il se trouve que ces affirmations, sans fondement scientifique dans le chapitre 8, s'avèrent pertinentes : l'indice de diversité lexicale de la catégorie nominale est effectivement significativement plus élevé dans le PCR et cette même mesure est, pour les verbes, significativement plus importante dans DAN également.
Au niveau développemental, si l'âge a une influence significative, tant pour le PCR que pour DAN, sur la diversité lexicale obtenue pour les noms, les verbes et les adjectifs, ce n'est pas le cas pour les adverbes, qui sont en nombre extrêmement faible dans le corpus. De même, si la répartition des sujets s'effectue dans les mêmes stades que ceux décrits toutes catégories lexicales confondues (i.e. 6 ans vs 7/8/9/10 ans vs adultes), les adverbes font apparaître deux paliers seulement : les 6 ans s'opposent significativement aux cinq autres tranches d'âge.
Une analyse plus qualitative du PCR donne lieu à différentes remarques : chez les plus jeunes sujets, les noms, peu nombreux mais effectivement tous différents les uns des autres, correspondent aux pivots de l'histoire, c'est-à-dire que dès l'âge de 6 ans, les enfants sélectionnent les items nominaux essentiels, ceux sans qui le conte ne pourrait être reconnu comme étant celui du PCR. Cette remarque est également valable pour les adjectifs qui apparaissent, par contre, plus tardivement. Les verbes soumis à répétition sont en priorité ceux décrivant un parcours commun (i.e. "arriver") ou répété (i.e. "manger") mais on peut noter que les verbes de parole (i.e. "dire") apparaissent également plusieurs fois au sein de la même production. Pour ce qui est des adverbes, les sujets en utilisent très peu mais ces unités sont souvent là pour décrire l'attitude adoptée par le PCR lorsqu'il se rend chez sa grand-mère. Enfin, la dernière observation qui mérite d'être reprise dans ce récapitulatif concerne les adultes : ces sujets utilisent un nombre très important d'hapax, ce qui développe d'autant l'indice de diversité lexicale.
Catégorie par catégorie, une dernière hypothèse a été testée : nous pensions que les différences entre les indices de diversité lexicale des restitutions du PCR et de DAN seraient plus importantes chez les plus jeunes sujets que chez les sujets plus âgés, le trait [+ connu] aidant en priorité les enfants. Cependant, cette hypothèse est infirmée car on ne note aucun écart significatif entre tranches d'âge, et ce, quelle que soit la catégorie lexicale.
Les deux chapitres 8 et 9, en traitant de la densité et de la diversité lexicale des restitutions, n'ont pas envisagé la connexion lexicale (Muller, 1992) qui permet de rendre compte du nombre de vocables communs à deux textes (i.e. les supports initiaux et les restitutions des sujets dans notre cas). Autrement dit, ces deux premiers chapitres de la cinquième partie n'ont pas permis la mesure du rôle de la mémoire. Or, celui est extrêmement important dans la tâche de rappel qui la nôtre. En effet, nous avons posé, dans le présent chapitre, que les procédés de diversification permettaient au sujet d'éviter l'insertion trop systématique de répétitions mais on peut également imaginer que le sujet a recours à ce type de procédés parce que seul le signifié a été inscrit en mémoire, le signifiant employé par l'auteur n'ayant pas reçu le même traitement et n'étant donc pas activé au moment de la phase de restitution. Ce sont les trois chapitres à venir qui permettent de faire le point sur cette nouvelle mesure.