1.2.3. Le texte et l'âge

Le graphe 34 nous permet de dégager différents profils acquisitionnels. Sur le plan statistique, les 6, les 7, les 8, les 9 ans et les adultes s'opposent aux 10 ans qui sont les seuls chez qui on note une différence significative(p = 0,003).

Cependant, sur le plan interprétatif, l'étude suggère 3 stades : les 6, les 7, les 8 et les 9 ans se distinguent des 10 ans qui se différencient, à leur tour, des adultes. Il paraît, effectivement, évident que les différences non significatives chez les plus jeunes sujets ne s'expliquent pas de la même façon que celles qui sont repérées chez les adultes. Nous constatons donc que les 6, les 7, les 8 et les 9 ans ajoutent très peu de mots, et dans le PCR, et dans DAN alors que les adultes ajoutent beaucoup de mots à la fois en situation de restitution du texte [+ connu] et en situation de rappel de celui [– connu]. Autrement dit, pour ces cinq groupes d'âge, le trait [+/– connu] n'a aucune incidence sur l'insertion de mots nouveaux. En revanche, si ce paramètre a un effet significatif chez les sujets âgés de 10 ans, l'écart est dû aux données recueillies pour DAN car celles du PCR sont équivalentes à celles trouvées dans les tranches d'âge inférieures. En effet, c'est parce que la proportion de mots ajoutés augmente dans DAN que la différence devient significative.

Nous interprétons ces résultats en posant que les sujets âgés de 6 à 9 ans ont un stock lexical personnel plus pauvre que celui de leurs aînés. En revanche, à l'autre extrémité de la courbe développementale, les adultes parviennent, eux, non seulement à reprendre une partie des mots entendus mais à en introduire de nouveaux tout en respectant le contenu sémantique du texte à restituer. Ce comportement scriptural montre donc que les adultes ont un stock lexical plus important dans lequel ils n'hésitent pas à puiser en situation de rappel de textes. Quant aux sujets de 10 ans, cette étude permet de se rendre compte de l'augmentation du stock lexical et du développement du degré d'appropriation. En effet, si la restitution du récit [+ connu] ne permet pas ce constat, l'observation des données obtenues avec DAN montre qu'atteint cet âge, les enfants se détachent du texte à restituer et ajoutent des termes de manière significative.

Il est intéressant de voir que ces aspects se développent en priorité sur le texte [– connu] car cela montre que le PCR constitue, sur certains points, plus une contrainte qu'une aide, question que les linguistes et psychologues se posent régulièrement dès que l'expérimentation comprend une tâche à support (Gayraud et al., 2000). En effet, ici, le PCR ne contribue pas à l'appropriation, à la distanciation par rapport au texte car les sujets, connaissant déjà l'histoire, "collent" à sa forme et ne s'aventurent pas sur les chemins de la nouveauté.

Ici encore, on constate qu'il faut rester prudent quant aux choix méthodologiques de manière à ce que l'interprétation des compétences des enfants ne soient pas biaisée par le matériel utilisé.

Cependant, en raison des stades déterminés par cette analyse, il est également tentant de rappeler que l'activité grapho-motrice est automatisée à 9/10 ans seulement (Bereiter et Scardamalia, 1983 ; De Weck, 1991 ; Bourdin, 1994). Aussi se pourrait-il qu'un stock lexical riche soit disponible avant l'âge de 10 ans mais que les sujets, concentrés sur la formation des lettres et des mots, ne puissent en rendre compte.