CONCLUSION

Ces cinq chapitres, dédiés à l'analyse du lexique des textes initiaux et des restitutions qui en ont été faites par les sujets, ont montré que les tâches de rappel, quelles que soient les propriétés du matériel à restituer, contribuent à l'introduction d'items lexicaux dans les restitutions.

Le ministère de l'Éducation Nationale peut donc être assuré du rôle favorable joué par l'activité de rappel. À ce sujet, nous avons d'ailleurs insisté sur l'attention qui doit être portée aux choix de méthode (Fisher, 1980 ; French et Nelson, 1982 ; Hudson, 1986 ; Seidman et al., 1986 ; Berman, 1999 ; Gayraud et al., 2000). En effet, l'utilisation d'une tâche unique conduit à des conclusions nécessairement partielles : par exemple, Gayraud (2000), en travaillant en production spontanée, a montré que la densité lexicale augmente significativement en fonction de la variable "âge". Or, il n'en est rien de nos données recueillies sur la base d'un protocole de rappel de textes : dès l'âge de 6 ans, les sujets produisent des récits denses. Cela est extrêmement important en ce sens que les capacités des enfants peuvent être, selon les cas, sous ou surestimées. Ce paramètre est donc sérieusement à prendre en compte.

De même, le protocole expérimental, dans sa globalité, indique que la mémoire sémantique prend le pas sur la mémoire formelle.

Cependant, c'est en considérant la nature des unités informationnelles utilisées que nous avons abouti à des résultats tout à fait intéressants : si les adjectifs et les adverbes en –ment ne dévoilent que très peu d'indices sur les stratégies de restitution mises en oeuvre par les sujets, les catégories nominale et verbale sont, au contraire, extrêmement révélatrices des activités cognitives qui sous-tendent ces manoeuvres.

Cette partie a, en effet, montré qu'en situation de rappel du texte [+ connu], les sujets privilégiaient les noms tandis qu'en situation de restitution du support [– connu], ils avantageaient les verbes.

Au sujet des noms dans le PCR, les cinq chapitres indiquent qu'ils sont en quantité plus importante que les verbes (cf. chapitre 8), qu'ils sont plus diversifiés que les verbes (cf. chapitre 9) et qu'ils sont mieux restitués que les verbes (cf. chapitre 10) et il se passe exactement le même phénomène pour les verbes dans DAN. Cela signifierait donc que la connaissance préalable de l'histoire soit un paramètre décisif, voire strictement nécessaire à l'introduction de noms. N'oublions pas toutefois la particularité du conte qui est qu'il soit répétitif quant aux différentes actions des personnages. Aussi peut-on imaginer que la restitution d'un texte [+ connu] où chaque acteur réalise des actions bien propres à lui sans avoir, en outre, à les reproduire à différents moments de l'histoire mènerait à une prise en compte et des noms — du fait que le support soit déjà connu — et des verbes — du fait que le support soit déjà connu et que les actions soient uniques. De même qu'il faut être attentif aux choix méthodologiques, du moment que l'on a choisi de travailler en situation de restitution, il faut s'interroger sur les caractéristiques du support proposé aux sujets : par exemple, si seule la tâche [+ connu] avait été considérée ici, on aurait pu conclure qu'en situation de restitution, les sujets prêtent peu attention à la catégorie verbale, alors que placés dans un autre contexte (i.e. restitution d'un texte [– connu]), les mêmes sujets s’avèrent capables de la considérer pleinement.

Cette interprétation est renforcée par l'examen des termes ajoutés par les sujets, c'est-à-dire exempts des supports initiaux. En effet, cette ultime analyse a départagé les sujets en deux groupes : le premier se constituait des enfants de 6 ans et le second se composait des cinq autres tranches d'âge. Pour remplacer les noms, les plus jeunes sujets, tout en conservant la même catégorie, choisissent des termes de plus haute fréquence que celle correspondant aux items nominaux des supports, c'est-à-dire d'activation cognitive moins coûteuse. À l'inverse, à partir de 7 ans, les sujets qui modifient les verbes entendus, optent pour des termes de plus basse fréquence que celle observée dans les textes initiaux, c'est-à-dire d'activation cognitive plus coûteuse.

Il y aurait donc clairement une corrélation entre, d'une part, la fréquence des items et le trait [+/– connu] et, d'autre part, la fréquence des items et l'âge des sujets.

Une autre différence non négligeable a pu être notée : quelle que soit la catégorie lexicale observée, les items utilisés pour restituer l'histoire du PCR permettent, même chez les enfants les plus jeunes (i.e. 6 ans), la reconnaissance du conte alors que ceux employés pour rappeler le récit de DAN ne permettent pas l'identification de l'histoire.