CONCLUSION GÉNÉRALE

Cette thèse s'est intéressée à l'acquisition de l'écrit par différentes tranches d'âge en observant l'état de la narration en situation de rappel immédiat de textes plus ou moins connus.

Pour observer cette mise en place du savoir-raconter-par-écrit, nous avons travaillé avec des enfants âgés de 6/7 ans (i.e. CP) à 10/11 ans (i.e. CM2) et un groupe référence constitué d'adultes (i.e. fin de première année d'université). Ces sujets ont été mis en situation de restitution d'histoires qui leur étaient plus ou moins familières. En effet, de nombreuses études (Nelson, 1977 ; Kintsch et Van Dijk, 1978 ; Nelson, 1978 ; Freebody et Anderson, 1983 ; Hudson et Nelson, 1983 ; Denhière, 1984 ; Fayol, 2000) ont montré que le degré de familiarité d'un thème (i.e. "goûter d'anniversaire" vs "retirer de l'argent à la banque") influençait la qualité des productions, celles-ci étant meilleures lorsque le thème était familier aux enfants. En ce qui concerne, nous avons voulu mesurer l'influence du degré de familiarité, non plus d'un thème, mais d'un contenu. C'est pourquoi nous avons choisi de comparer Le Petit Chaperon Rouge (PCR / histoire [+ connu]) et Dan, le petit chasseur canadien (DAN / histoire [– connu]).

Pour mener à bien cette analyse, nous avons, dans l'introduction de ce travail, posé trois questions très générales auxquelles cette recherche se devait de répondre :

Avant de répondre à ces questions, nous avons veillé à ce que les deux supports opposés soient comparables, et ce, à tous les niveaux textuels.

Au niveau macrostructurel, les histoires se composaient d'un nombre équivalent de composantes narratives (CN / cf. chapitre 4) et de sous-composantes narratives (SCN / cf. chapitre 5) : 3 CN et 16 SCN, identifiées sur la base d'un test dit "objectif" (Johnson, 1970).

Au niveau microstructurel, nous avons analysé la relation sémantique de cause/conséquence (RCC / cf. chapitres 6 et 7). Les deux supports se construisaient, comme tout récit, sur un terrain causal, et sur ce terrain causal, chacune des narrations comprenaient 4 RCC explicitement marquées par l'auteur.

Au niveau du mot, les deux récits soumis à restitution se composaient d'un nombre de mots quasi équivalent puisque le PCR avait 1021 mots et DAN 1103. Nous avons circonscrit notre étude aux items lexicaux (vs les items grammaticaux) et, plus précisément, aux vocables lexicaux (i.e. mots différents) et les deux supports continuaient d'être comparables : le PCR contenait 462 items lexicaux dont 181 différents et DAN en comprenait 493 dont 202 différents. De plus, les récits-supports avaient une densité lexicale (cf. chapitre 8) et une diversité lexicale (cf. chapitre 9) quasi identiques (i.e. densité PCR = 45 % et diversité PCR = 5,9 ; densité DAN = 44,5 % et diversité DAN = 6,1), indices qui restaient comparables si l'on observait leur répartition en différentes catégories lexicales (i.e. noms vs verbes vs adjectifs vs adverbes en –ment). Enfin, nous avons également noté que la fréquence (i.e. items de haute fréquence vs items de basse fréquence) de ces items lexicaux était similaire, puisque la fréquence moyenne des termes du PCR correspondait à 1421 pour les listes de fréquence effectuées sur l'écrit et 350 pour les listes de fréquence effectuées sur l'oral. Pour DAN, ces nombres correspondent, respectivement, à 1450 et 346.

Autrement dit, nous avons scrupuleusement contrôlé les variables contenues dans les deux récits comparés et ces derniers ne se différenciaient finalement plus que par leur degré de familiarité : le contenu de l'histoire du PCR était préalablement connu des sujets avant la phase d'écoute menée lors de l'expérimentation, alors que le contenu de l'histoire de DAN était découvert lors de cette même phase.

Une synthèse orientée de la littérature et les analyses rapportées dans ce document permettent aujourd'hui d'amener des éléments de réponse à ces trois interrogations, éléments que nous allons présenter ici.

Le bilan que l'on peut dresser s'organise en deux temps.

Premièrement, nous allons récapituler mais surtout discuter les résultats obtenus dans le cadre de ce travail de manière à évaluer dans quelles mesures cette étude répond à l'objectif fixé.

Deuxièmement, nous imaginerons une nouvelle méthodologie qui devrait permettre de répondre aux questions et/ou d'explorer les nouvelles pistes que le présent travail a décelées mais qui ne pouvaient être considérées sur la base de ce premier protocole expérimental.