Pour ce premier stade développemental, nous avons pu noter que le trait [+ connu] jouait un rôle statistiquement significatif quant à la réalisation des opérations de haut niveau, c'est-à-dire au niveau de l'activation et à l'organisation des contenus. En effet, les enfants de 6, de 7 et de 8 ans restituent plus de propositions essentielles à l'avancement de la trame narrative en situation de rappel d'un texte [+ connu] qu'en situation de restitution d'un récit [– connu].
Il est à préciser que ce trait [+ connu] aide même les plus jeunes sujets de l'expérimentation (i.e. les 6 ans) quant à la récupération du schéma narratif en trois composantes (i.e. orientation/complication/résolution).
Au niveau le plus local, c'est-à-dire au niveau du mot, nous avons remarqué que les sujets du ce premier stade produisaient plus, restituaient plus et diversifiaient plus la catégorie nominale lorsque l'histoire soumise à rappel leur est familière.
Rappelons ici que les noms sont les premiers éléments à être rappelés (Fayol, 1983) mais insistons également sur le rôle joué par la mémoire. En effet, si les noms sont prioritairement restitués, notre expérience a montré que le support [+ connu] accentuait d'autant plus leur introduction, et cela est, bien entendu, le résultat d'une inscription des termes en mémoire à long terme. En outre, ces noms rappelés ne sont pas n'importe lesquels : ils correspondent aux noms ayant une certaine saillance, c'est-à-dire aux noms qui soit jouent un certain rôle dans l'histoire (ex : loup), soit sont emblématiques (ex : pot de beurre), soit ont un caractère "étrange" ou peu attendu dans le contexte (i.e. effet de distinctivité — "distinctiveness effect" (Waddill et McDaniel, 1998) (ex : chevillette). Autrement dit, les segments restitués correspondent aux segments "marquants" pour le sujet ayant maintes fois entendu l'histoire. Précisons que cette sur-introduction de noms et, qui plus est, de noms différents (i.e. vocables) rend possible l'identification du conte à leur simple lecture.
On comprend alors que les verbes n'aient pu subir ce "traitement de faveur", toute histoire se composant du même type de verbes : "dire", "demander", "arriver", "courir", "sauver", "aider", etc.
Au sujet des verbes, il est toutefois important de rappeler que les verbes du PCR initial sont peu diversifiés, les parcours parallèles (i.e. le loup arrive chez la grand-mère/le PCR arrive chez la grand-mère) ou répétés (i.e. le loup mange la grand-mère/le loup mange le PCR) étant fréquents.
Cette observation permet de souligner l'importance du choix du support. Sa sélection doit être fonction des outils linguistiques que l'on souhaite observer49.
Pour en finir avec les acquisitions facilitées par le trait [+ connu], nous avons pu noter que les enfants âgés de 8 ans restituaient globalement (i.e. toutes catégories lexicales confondues) plus de vocables que les 6 et les 7 ans. Cette remarque montre que si l'observation du niveau global ne requiert plus de ressources cognitives trop importantes, l'espace alors libéré peut être réinvesti à un autre niveau, un niveau plus local, le niveau du mot dans le cas qui nous intéresse ici.
Une de nos recherches antérieures (Gonnand, 1996), menée sur l'acquisition du temps et de l'aspect, a montré qu'on ne peut, par exemple, étudier le développement des marques du pluriel dans le PCR. En effet, les personnages ne réalisent jamais de parcours à plusieurs, ce qui nous avait limité à l'étude des formes verbales singulier.