Dan, le petit chasseur canadien.

Un jour, Dan mit sa casquette en peau de rat, puis il prit son fusil et sortit de son enclos. Il quitta la clairière et s'enfonça au creux des bois.

"Je suis un trappeur, disait-il. Je vais rapporter une peau d'ours, une peau de daim et toute une brassée de peaux de lapins. Et si je rencontre mon amie la petite indienne, je lui dirai : "C'est moi qui suis Dan, le plus brave des trappeurs".

Juste à ce moment, un lapin fit un saut à travers le sentier. Dan s'arrêta et pointa son fusil sur lui. Mais le lapin s'assit, le regarda dans les yeux et sourit : "Alors, dit-il, à quoi joues-tu ?"

Le lapin était si gentil que Dan ne se sentit pas la force de tirer sur lui.

"Il ne s'agit pas de jouer, dit-il, l'air vexé. Rentre chez toi de peur qu'il ne t'arrive un malheur.

- Quel malheur ?" murmura le petit lapin. Et il partit en sautant avec un air intrigué.

Juste à ce moment, Dan entendit un léger bruit derrière lui. Il se retourna et vit la petite fille indienne tapie dans la broussaille.

"Hi ! hi ! hi ! riait-elle en se moquant de lui. Tu n'as pas du tout l'air d'un chasseur !

- Mais si, dit Dan, je suis un grand trappeur ! Je suis même un très grand trappeur. Je chasse le daim, les ours, les renards.

- Vraiment ? demanda la petite indienne d'une voix intimidée. Alors tu me donneras un renard pour faire un oreiller avec sa fourrure ?

- Certainement !" promit le petit trappeur, et il s'en alla tout fier de son importance.

"Je vais tendre cinq trappes, se dit Dan. Quatre petites trappes pour quatre petits renards et une grande pour un grand renard".

A peine avait-il dit "renard" qu'un petit animal à la fourrure rouge et au museau blanc bondit devant lui.

Il regarda Dan d'un air malicieux :

"As-tu déjà vu un renard ? dit-il.

- Non, dit Dan, jamais. Mais je vais en attraper cinq aujourd'hui".

Comme il disposait sa première trappe, l'animal à la fourrure rouge et au museau blanc le regardait faire. "Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda-t-il

- C'est une trappe, répondit Dan affairé, pour attraper des renards.

- Bonne idée, ricana le petit renard, car c'en était un. Tu permets que j'apprenne à poser des trappes. Je pourrais, moi aussi, avoir quelque chose à attraper".

Et le petit renard suivit Dan pendant qu'il posait des trappes.

"Voilà, expliqua Dan en posant la dernière, celle-ci est un tout autre genre de trappe. C'est pour prendre un très gros renard.

- Gros comment ? Gros comme toi ? demanda le renard rouge.

- Oui, répondit Dan. Ce qui est dommage, c'est que je ne sais pas comment ouvrir cette sorte de trappe une fois qu'elle est refermée.

- Ne t'inquiètes pas, dit le renard en ricanant malicieusement. Moi, je sais.

- Bien, dit Dan, à tout à l'heure !" Et il courut vérifier sa première trappe.

Dès que le trappeur fut parti, le renard courut à la grande trappe et la recula de deux pas. Puis il la recouvrit de branchages et d'un peu de mousse.

"Voilà, dit-il en riant. C'est peut-être le trappeur qui sera l'attrapé".

Il s'assit là où Dan avait posé la trappe et il attendit.

Dan attendait aussi. Il était couché par terre, non loin de la première trappe et se tenait bien tranquille. Bientôt, un porc-épic donna tout droit dans la trappe. "Je suis pris ! gémit le porc-épic en se débattant. Si ma mère me trouve pris dans cette trappe, elle sera furieuse et me battra.

- N'aie pas peur ! répondit Dan. Je n'ai pas besoin d'une peau de porc-épic, ce n'est pas assez soyeux. Je n'ai besoin que de renards. Alors si tu veux bien te tenir tranquille, je vais te sortir de là.

- Merci, merci, renifla le porc-épic.

- Oh ! il n'y a pas de quoi, répondit Dan, personne ne voudrait de la peau d'un porc-épic pour s'en faire un oreiller !"

Alors le porc-épic s'en alla avec le petit trappeur ...

Comme ils arrivaient à l'endroit de la grande trappe, ils regardèrent à travers les buissons et virent le petit renard rouge assis tout juste là où la trappe avait été mise.

"Un renard ! chuchota le porc-épic, nous avons pris un renard !

- C'est un renard ?" demanda Dan tout surpris, et il courut vers lui.

Mais avant qu'il eût atteint le renard, il tomba dans la trappe et : "Clac !" fit le ressort.

"Aie ! cria Dan, je suis pris !

- Chacun son tour, dit en riant le renard. Ca te plaît d'être pris dans une trappe ?

- Pas du tout, gémit Dan. Fais-moi sortir, je t'en prie !

- Non, dit le renard d'un air décidé. Tu as voulu me prendre dans une trappe, c'est moi qui t'ai pris dans la mienne !"

Le petit trappeur crut qu'il était prisonnier pour de bon. Mais le porc-épic prit sa défense. "Fais-le sortir, Renard rouge, supplia-t-il. C'est mon ami.

- Mais il n'est pas mon ami, répondit le renard. Et c'est moi qui vais faire de lui un oreiller".

Dan pressa ses poings sur ses yeux et il se mit à pleurer.

A la fin, le renard qui n'était pas méchant, ouvrit la trappe.

Mais Dan sanglotait plus fort que jamais : "Je ne suis pas un bon chasseur, pleurait-il. Et je ne prendrai jamais de renard pour faire un oreiller à la petite indienne. Quand je la rencontrerai, elle va se moquer de moi".

Tout le monde essaya de le consoler, mais il n'y avait pas moyen. Il cacha son visage et pleura comme si son coeur se brisait.

"J'ai une idée ! s'écria enfin le renard. C'est moi qui serai l'oreiller de la petite indienne. J'irai avec elle dans sa maison et je me coucherai sous sa tête, toute la nuit. Je resterai bien tranquille ... Sans même remuer la queue."

Dan sauta de bonheur et sécha ses yeux.

"Tu ferais cela ? demanda-t-il plein de joie. Ferais-tu vraiment ça pour moi ?

- Sûrement", promis le renard. Il se rengorgea en gonflant orgueilleusement sa petite poitrine blanche.

"Tu es un très gentil renard, et même une renard au poil très soyeux".

Et ils s'en allèrent ensemble, Dan pensant au bon oreiller neuf que la petite indienne allait avoir pour dormir les nuits d'hiver. Mais en lui-même, le renard pensait que le papa de la petite indienne avait des quantités de poulets gras et dodus. Et il se léchait les babines tout en marchant près du petit trappeur.

Catherine JACQUESON (version adaptée).