A. – La nomination stigmatisante de l’indigène dans le langage variable de la colonisation.

Si l'on examine l’œuvre normative globale ou locale, l’on s’aperçoit que les producteurs du droit colonial utilisent des nominations et des qualifications variables, 146 généralement précédées d’un inventaire ethnographique résultant du travail des scientifiques qui avaient préalablement et minutieusement balisé le patrimoine humain qui formait le domaine colonial. 147 Tout se passe comme si cette recension des éléments composant la population coloniale se devait, à travers les nominations de ceux-ci, de légitimer par avance la relation coloniale comme "phénomène nécessaire", c’est-à-dire conforme aux exigences d’un droit naturel qui autoriserait certains à se poser en tuteurs dans certaines conditions objectives. Ainsi les mots, qui servent à désigner le colonisé, ont un aspect générique indiscutable, qui fait droit par ailleurs de la place que ce dernier doit occuper dans un ordre "architectonique" relativement différencié et inégalitaire.

Notes
146.

Dans le droit colonial algérien que Jean-Robert Henry a étudié, les nominations de l’indigène combinent astucieusement des critères géographiques, ethniques, voire religieux. L’évolution des qualifications juridiques des colonisés dans le contexte algérien, montre que le discours officiel fait apparaître successivement les catégories d’Indigène opposé à Européen, d’Arabe opposé à Individu in " La norme et l’imaginaire. Construction de l’altérité juridique en droit colonial algérien ", in Procès, " Le droit colonial ", op. cit., p. 17 et sq.

147.

La conquête et l’occupation coloniales ont été largement perçues dans une optique patrimoniale et domaniale.