Dans le droit-fil des recommandations émises par la conférence de Brazzaville, pendant laquelle un fait nouveau apparaît : le principe de la représentation des territoires d’Outre-mer à l’Assemblée constituante, 276 plusieurs réformes relatives à la condition des personnes dans les colonies sont promulguées et ensuite consacrées par la constitution du 27 octobre 1946. La situation des indigènes, qui constitue certainement le domaine où la domination coloniale se faisait le mieux sentir et apparaissait la plus intolérable, se retrouve profondément différente de ce qu’elle avait été avant et pendant la guerre : des droits politiques sont reconnus aux indigènes.
Cependant, oubliant l’axiome juridique selon lequel "Donner et retenir ne vaut", la métropole va restreindre dans leur application ces droits politiques reconnus en principe aux indigènes. Ainsi, dans le même temps où le vote est introduit dans les colonies et que sont vantés les mérites des procédures électorales, la métropole en refuse le bénéfice à tous les indigènes ; se trouve dès lors clarifiée la nature véritable de ces réformes comme destinées plutôt à sauver le système colonial, qu’à réellement émanciper le plus grand nombre d’indigènes toujours maintenu à l’écart du bénéfice du droit de vote jusqu’au 23 juin 1956, 277 où l’immobilisme régnant cède finalement, sous la contrainte des événements, la place au mouvement.
Afin de mieux appréhender, tout à la fois, la logique qui sous-tend ces réformes à partir de la Libération, et la problématique de la transformation de l’indigène (colonisé) en citoyen électeur, il paraît nécessaire de faire un détour par la métropole pour y relever quelques ambiguïtés du droit français de la citoyenneté avant même la colonisation de l’Afrique centrale, et avant la proclamation du suffrage universel en France, par le décret du 5 mars 1848.
Dans le climat d’idées généreuses à l’égard des colonies où se tint cette conférence de Brazzaville qui contribua de manière importante à l’évolution des colonies, la France participe aussi à la signature de la Charte de San Francisco. Celle-ci fixait comme but aux Nations Unies de garantir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et demandait aux puissances administrantes de tenir compte des aspirations politiques des populations dépendantes. S’agissant des recommandations émises par la conférence de Brazzaville dans le but d’inspirer la future législation coloniale, voir un résumé dans. "L’évolution récente des institutions politiques dans les territoires d’Outre-mer , et territoires associés, ministère de la France d’Outre-mer ", Documentation Française, Notes et Études Documentaires, n° 1847 (11 mars 1954), pp. 1-3.
C’est la date de la promulgation de la loi-cadre instituant le " vote universel " dans les colonies.