À la Libération, la situation des individus dans les colonies françaises d’Afrique est déterminée par une règle solidement établie, assortie d’exceptions : les autochtones à statut personnel sont exclus du bénéfice des droits politiques ; relevant des droits traditionnels, et non du droit civil français, ils sont soumis à un statut particulier appelé statut de l’indigénat, qui détermine un champ dérogatoire du droit commun métropolitain. 278 Les métropolitains habitant dans les colonies gardent leur situation antérieure ; ils sont citoyens français et bénéficient donc de la totalité des droits civils et politiques conférés pars la constitution et les lois françaises. À cette règle sont apportées deux sortes d’exceptions.
D’une part, il est possible, par la procédure de naturalisation, pour un indigène d’acquérir la citoyenneté française, mais cette acquisition, discrétionnairement consentie par la métropole, est soumise à des conditions destinées à vérifier l’assimilation totale de l’indigène à la cité française : instruction, renonciation au statut personnel, activité politique conforme aux volontés de l’Administration... Très peu nombreux sont en réalité les bénéficiaires de la citoyenneté par cette voie, 279 à l’issue de laquelle ils relèvent désormais du code civil français, et jouissent des droits politiques (droit de suffrage, éligibilité...).
D’autre part, aux termes de la loi du 24 avril 1833 disposant dans son article premier que : "‘Toute personne née libre ou ayant acquis légalement la liberté jouit dans les colonies françaises :’
Ainsi donc, au sortir de la seconde guerre mondiale, dans les colonies françaises, l’on se trouve face à une citoyenneté fractionnée et hiérarchisée enregistrant la différenciation inégalitaire des statuts politico-juridiques des individus.
Cette situation n’est pas nouvelle en France. Elle remonte à la Révolution française elle-même qui, en donnant un contenu politique à la citoyenneté, à savoir la participation au pouvoir politique, organisait dans le même temps l’exclusion de certaines catégories d’individus du bénéfice du principe de l’égalité en droit : la Révolution n’a donc pas en cela attendu l’Empire colonial, malgré l’humanisme politique et juridique qui caractérise sa démarche.
Rappelons que le régime de l’indigénat, comme l’indique Jean Suret-Canale, "consistait à donner aux autorités administratives le droit de frapper les sujets de sanctions pénales, sans avoir à en justifier devant aucune autorité judiciaires", in Afrique Noire, L’ère coloniale (1900-1945), op. cit., p. 418.
Il semble n’y avoir eu de demandes de ce type d’accession à la citoyenneté française au Cameroun, que de la part des métis, désireux d’échapper à la condition des "Noirs". Cf. Decottignies (Roger), La condition des personnes au Togo et au Cameroun : De la nationalité française aux citoyennetés locales, op. cit..