2. – Le domaine des exceptions au principe d’égalité : les droits électoraux.

Avec la loi Lamine-Guèye, reprise textuellement par l’article 80 de la Constitution de 1946, nous avons vu que la citoyenneté française se retrouve séparée du statut personnel du code civil pour les nationaux français et de la coutume pour les indigènes ; désormais, la citoyenneté repose essentiellement sur une base politique et garantit à tous ceux qui en bénéficient des droits et des libertés publics identiques.

Si, en principe, il n’y a plus de différence entre les citoyens français quant à leur statut politique, ce principe ne va pas sans exceptions que la deuxième phrase de l’article 80 annonce et permet. À la question : la Constitution permet-elle, ou non, un régime des droits électoraux et de représentation politique des indigènes différent de celui des citoyens d’origine métropolitaine ? L’article 80 permet de répondre oui : "Des lois particulières établiront les conditions dans lesquelles ils exerceront leurs droits de citoyens", même si l’article 82 alinéa 2 propose une réponse contraire à la question ci-dessus : "‘Ce statut ne peut en aucun cas constituer un motif pour refuser ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français’", l’examen de la réalité politique révèle des exceptions à l’exercice des droits de citoyen dans l’ensemble colonial français. La métropole justifie cette situation en invoquant, une fois encore, les réalités géographiques et sociologiques particulières des territoires d’Outre-mer, comme nous l’avons déjà vu s’agissant de l’exclusion des indigènes. 313 Il apparaît donc qu’en ce qui concerne les libertés publiques, le régime répressif et la législation sociale, le particularisme de la condition des indigènes a tendu à disparaître à la suite des réformes de 1946 ; en revanche, il s’est maintenu dans le régime électoral.

La discrimination ou l’égalité, peuvent se marquer de trois points de vue différents : à l’égard du suffrage universel ou restreint ; à l’égard du corps électoral, unifié ou divisé en collèges ; à l’égard de la proportionnalité de la représentation de l’Outre-mer, égale à celle de la métropole ou plus faible. En examinant successivement ces trois points, nous verrons que l’application des dispositions constitutionnelles, au lieu d’unifier le régime d’Outre-mer et celui de la métropole, tend à les diversifier sur ces trois points.

Notes
313.

C’est pourquoi nous n’y revenons pas.