1. - La libération du Cameroun ou la question de la souveraineté ou d’égalité souveraine du pays.

Au Cameroun, le premier enjeu structurant la participation politique est synonyme de l’autonomie, c’est-à-dire de la faculté générale qu'on a à se diriger soi-même à l’abri des intrusions étrangères.

Cet enjeu concerne toutes les questions qui touchent aux réalités qui font généralement des hommes, dans leur pays, les auteurs de leur propre histoire collective et qui se basent sur l'articulation d'une représentation opposant les groupes sociaux se définissant par leurs antagonismes à une représentation opposant les autochtones aux "allochtones" (période de décolonisation). Cette réalité s'appuie sur les images extrêmes de la différenciation du Cameroun à l'égard de l’Étranger et surtout sur la différenciation du Cameroun par rapport à la France, la puissance colonisatrice.

L’enjeu de la libération du Cameroun enregistre ainsi divers et nombreux discours à l’exemple de ceux qui développent le thème de la "réconciliation nationale " généralement mis en avant pendant les élections qui suivent les moments d’effervescence sociale douloureuse ou des thèmes qui concernent la coopération, le refus ou l’acceptation d’un droit de regard des institutions internationales (comme le Fonds monétaire international) sur la gestion du pays.

Ce sont des discours qui encouragent le déplacement en campagne électorale, du clivage opposant les divers groupes sociaux au sein de l'espace politique national vers un clivage opposant l'ensemble du pays à l'Étranger. La plupart de ces interventions vont dans le sens d’un refus de toute intrusion étrangère dans les affaires camerounaises parce que "le Cameroun, estime-t-on généralement, est maître chez lui" et que "l’assistance ou l’ingérence des étrangers dans ses affaires constitue une humiliation qui lui serait ouvertement infligée si les autorités en place, très souvent attaquées sur ce thème, s’y soumettaient. "Sans revenir, parce qu’on l’a déjà vu, sur la particularité du statut du territoire du Cameroun sur lequel se fondaient les revendications des nationalistes et qui justifiait leurs nombreuses requêtes adressées à l’ONU contre la France, puissance administrante, on doit constater, que ce premier enjeu de la participation électorale remonte à l'époque coloniale.

L'expérience coloniale, avons-nous vu, eut au Cameroun comme dans le reste de l'Afrique d'ailleurs, un caractère très largement autoritaire et antidémocratique. La colonisation française constitua, rappelons-le, un champ politique et juridique où l'inégalité fut rationnellement organisée et ouvertement admise. Une des manifestations objectives de ce phénomène de colonisation fut le régime juridique appliqué à toutes les personnes recevant la qualification d'indigène. 396

Dans ce régime juridique autrement appelé "Le code de l'indigénat", le primat des mobiles économiques était particulièrement décelable dans l'utilisation de la "contrainte physique", c'est-à-dire l'institutionnalisation du travail forcé auquel furent soumis presque tous les hommes valides ou jugés tels par le colonisateur. 397

À l'instar des autres modes d'expression tel le riche corpus de la tradition orale investigué, la production littéraire en tant que reflet de la condition humaine et miroir de société en mutation 398 nous en dit autant que les sciences sociales. Elle nous fournit en effet de précieux renseignements sur ce passé colonial, autant qu’elle nous donne un aperçu des réactions de la population face au colonialisme, lorsque pour la première fois de l'histoire du suffrage électoral au Cameroun il leur fut donné la possibilité de s'exprimer à travers leur vote.

Ainsi, Cette Afrique-là, 399 de Jean Ikellé-Matiba, relate quelques moments inédits de la première campagne électorale à Édéa, dans le sud du Cameroun : cinq candidats s'affrontaient alors pour la députation à la première Assemblée Constituante française aux sortirs de la Seconde Guerre Mondiale. Il s'agissait de : André Fouda Ombga, Alexandre Ndoumbé Douala Manga Bell, Nleme Mbomezon Pascal, Epoupa Mooh Mbella Samuel Henry, Léopold Moumé Etia.

Afin d’établir les faits et les interprétations que nous en faisons, laissons la parole à Franz Mômha, le héros de ce roman historique de Jean Ikellé-Matiba, qui nous en parle :

‘"Je me rendis le lendemain à Édéa avec mon fils. Ndoumbé devait passer. Il y avait un monde fou. Après deux heures d'attente, un pick-up Dodge s'arrêta devant nous. En sortit un bout d'homme à grosse tête, à la démarche prussienne, qui fut reçu par des salves d'applaudissements : c'était le candidat du peuple. Ndoumbé nous parla de son programme, de ses intentions d'en finir avec le travail forcé et l'indigénat et de supprimer le régime du laissez-passer. Que désirions-nous de plus ? À ces seules paroles, traduites par l'écrivain Ruben Um Nyobé, 400 le peuple le porta aux nues. Ndoumbé était le héros du jour. La bataille fut serrée le jour des élections. On se disputait les bulletins de Ndoumbé. L'enfant terrible, le Sauveur du Kamerun devait aller en Europe. À Édéa, comme partout, il fut élu à la quasi-unanimité". 401

Il convient ici, de souligner pour mieux situer ce récit et nous y reviendrons d'ailleurs, qu’à ce moment-là le peuple ignore que la candidature de Ndoumbé à la députation a été en réalité suscitée par le colonisateur, 402 par ailleurs engagé dans une politique dite des "oppositions africaines." Il faut également rappeler comme nous l'avons déjà mentionné, que le contexte de cette élection aux sortirs de la Seconde Guerre Mondiale est marqué par les réformes souhaitées par la conférence de Brazzaville (30 janvier – 8 février 1944) dans l’objectif prétendu de faire évoluer les colonies françaises comme l'on disait alors, vers un statut de relative autonomie domestique "‘prenant en compte les conséquences des transformations des sociétés indigènes en voie de modernisation’", et que finalement, si la cohérence du programme de Ndoumbé avec les aspirations de ses concitoyens, c'est-à-dire l'accent mis sur la fin des souffrances occasionnées par le système colonial, peuvent suffire à expliquer sa victoire électorale, d'autres raisons autant valables dans l'opinion camerounaise existent.

Toujours d’après Franz Mômha, et en ce qui concerne Ndoumbé au moment de ces élections, dans la population camerounaise, ‘"on dit qu'il a fait ses études en Allemagne, qu'il a une grande puissance magique, de sorte que les Blancs ne pourront pas le tuer. Au surplus, c'est un travailleur indépendant. Nous sommes sûrs (ajoutait-on) qu'il ne nous vendra pas pour de l'argent. et l'administration est contre lui.’ " 403

Poursuivant son récit, Franz Mômha souligne le fait qu'" ‘après les élections, en reconnaissance pour ses électeurs, le Député fit distribuer à profusion ses photos dans toute sa circonscription…".’ Ensuite, ‘"il se rendit en France. Quelques mois plus tard, il en revint et, en parcourant le pays, annonça la fin du travail forcé et de l'indigénat ainsi que la suppression du régime du laissez-passer". En conclusion : "ce fut une joie délirante. Chaque garçon qui venait de naître portait d'office le nom de Ndoumbé car, disions-nous, il nous avait affranchi du joug qui nous opprimait’ ". 404

La libération du pays en tant que premier enjeu du discours électoral, fut donc en premier lieu, la libération du joug de la colonisation ou encore, la délivrance des populations camerounaises des souffrances que leur occasionnait le système colonial. Et bien que le droit de suffrage ne fut alors restreint qu'à un nombre réduit d'individus privilégiés par la loi électorale coloniale, le vote de ces indigènes/électeurs ne sera en général fait que du rejet de cette oppression coloniale, et plus largement de la domination des Blancs.

Et ce rejet de la colonisation ne prendra un caractère clairement territorial qu'avec l'action des nationalistes camerounais rassemblés au sein de l'UPC : par l’action de cette formation politique apparue pour la première fois sur la scène électorale du Cameroun en 1952, le concept de la libération du pays prend une dimension supplémentaire : il signifie désormais l'indépendance du Cameroun, et non plus seulement la simple évolution des indigènes ou leur participation aux institutions coloniales. La libération veut désormais dire la délivrance du territoire du Cameroun de la présence coloniale française.

Tout en intensifiant sa lutte contre le colonialisme d’une part, l'UPC parvient donc, d’autre part, à imposer son hégémonie culturelle sur une partie importante de la société politique locale de l'époque, et obligera celle-ci à ne désormais se déterminer que par rapport aux énoncés majeurs des nationalistes, 405 par rapport auxquelles, dorénavant, plus un candidat est éloigné, moins son élection apparaît souhaitable aux votants (cf. supra, le contexte d'intervention de la Loi-Cadre). Ainsi, de plus en plus au Cameroun, des voix s'élèvent donc pour réclamer la fin de la domination coloniale, de sorte qu'a posteriori, la situation dans le territoire du Cameroun peut fondamentalement se résumer en l'existence d'une part, des partis politiques autochtones face à un adversaire commun, le pouvoir colonial et d'autre part, le large consensus entre ces autochtones sur l'objectif également commun, l'indépendance du Cameroun en dépit des divergences entre ces différents acteurs politiques locaux sur la tactique à employer pour l'atteindre.

Dans sa campagne électorale de janvier 1956 par exemple, André-Marie Mbida antérieurement connu pour ses déclarations qualifiées d'assimilationnistes par ses adversaires, adopte clairement une rhétorique nationaliste empruntant à bien des arguments de l'UPC. 406 Pierre Messmer, prochain gouverneur du territoire du Cameroun trouve ce discours opportuniste du futur Premier ministre "férocement anti-blancs ". 407 Et Mbida sera le premier Camerounais n'ayant pas la citoyenneté française à être élu en qualité de député à l'Assemblée Nationale française. Robert Cornevin ne s'y trompe pas, qui considère à cette époque que "‘le succès de Mbida doit [donc] être interprété comme un désir des électeurs d'obtenir une "camerounisation" du personnel politique qu'ils estiment à juste titre, être trop français’". 408

De nos jours encore, c’est-à-dire bien des années après l’accession du Cameroun à la souveraineté nationale et internationale le 1er janvier 1960, cet enjeu de la libération du pays demeure actuel et plus que jamais récurrent dans les discours tenus en campagne électorale. Bien évidemment, cet enjeu de la libération nationale est formulé en termes bien différents et ferait partie des représentations sociales que Luc Sindjoun caractérise en tant que mythes simplificateurs "marqueurs subjectifs de l'action sociale", qui produisent et cristallisent une identité parfois floue et des rapports de force simplifiant la notion d'adversaire ou de concurrent, ce qui suscite, constate-t-il, peurs et fantasmes, sources de violences incontrôlables. 409 Il s'agit en effet pour ce qui peut concerner notre propos dans cette analyse de Luc Sindjoun, du mythe du deus ex machina français dont la diabolisation au Cameroun fut renforcée dans la conjoncture de libéralisation politique des années 1990 (cf. infra). Pour certains Camerounais en effet, et c'est le meilleur des cas, estime M. Sindjoun, la France aurait initié cette libéralisation politique par la conférence de la Baule : à l’occasion du sommet franco-africain de 1990 en effet, épousant les prémisses démocratiques qui se manifestaient ici et là en Afrique, le président français aurait incité les chefs d’État africains à se démarquer de l’autoritarisme pour ouvrir leur pays respectif au pluralisme, précisant que la France sera désormais conduite à accorder une "prime" à ceux qui sauraient faire preuve de réformisme en la matière. Pour d'autres au contraire, et c'est le pire des cas, le plus fréquent d'ailleurs, la France se serait opposée à ladite libéralisation politique.

Il s’ajoute à cela le 11 juillet 1994, la France contraignant les pays de la zone franc à accepter une dévaluation de 50%. Au-delà des conséquences économiques strictes dont les populations pâtiront, cette dévaluation imposée revêtira une signification politique considérable. Elle marquerait en effet une rupture dans une relation fondée sur l’immutabilité. Le sentiment qui prévaut alors en Afrique est celui d’un "lâchage" par l’ancienne puissance coloniale, bien que l’on puisse également discerner au travers des faits un affaiblissement de la France, désormais incapable de protéger unilatéralement comme par le passé son "pré carré" africain en le maintenant en dehors des grands changements économiques.

Dans tous les cas, il apparaît que la France ne laisse indifférent ni ne fait l’objet d’une perception unanime. Elle s'avère située au cœur de l'imaginaire collectif des Camerounais et certains la considèrent toujours comme "‘la détentrice de la clé de la situation camerounaise".’ ‘ 410 ’ ‘’En atteste le "rituel-passage-préélectoral-apparamment-obligé" par Paris qu’affectent les candidats à l'élection présidentielle notamment. Cette pratique suffit à montrer, en ce qui concerne les élites en général et les dirigeants politiques du pays en particulier, qu'en introduisant son idéologie de la supériorité raciale et culturelle, le colonialisme eut un considérable retentissement psychologique sur nombre d'entre eux et que, s'agissant de leur personnalité et de leur intellect, ils n'ont pas à ce jour achevé leur propre décolonisation. 411

Ainsi, même si les structures matérielles du colonialisme ont aujourd'hui disparus, il est indéniable que de nombreux vestiges psychologiques de cet état de choses subsistent encore.

Ce mythe du deus ex machina français ressurgissant à chaque période électorale au Cameroun traduit nous semble-il, le scepticisme de nombre de citoyens quant à la souveraineté réelle de leur pays : nombreux sont en effet ceux des Camerounais qui paraissent toujours penser que les décisions liées au devenir de leur pays s'élaborent ailleurs, c’est-à-dire à Paris ou plutôt en Métropole, comme l’on disait du temps désormais révolu de la colonisation, qui paraît lointain mais en même plus que jamais proche. À leurs yeux, et parfois avec quelques raisons, le rituel électoral et le vote des citoyens ne sont que des opérations de pure et simple forme, autrement dit sans réel impact sur l'orientation, le devenir ou la direction même du pays, toutes ces choses étant encore décidées ailleurs. Ainsi, comme le note à juste titre Franz Fanon, 412 même après le départ du colon le colonialisme continue à régner dans la tête des indigènes ; et l'œuvre de cet auteur nous donne une démonstration de ce que la colonisation de l'esprit est encore plus terrible que la colonisation d'un territoire.

Hormis le "rituel-séjour-préélectoral-obligé" en France des hommes politiques camerounais battant campagne électorale, il y a ce qui localement est ressenti et qualifié comme intrusions exogènes dont la seule vertu est non seulement de semer la confusion dans le pays, mais aussi d'alimenter et de renforcer dans la population le scepticisme se rapportant à la souveraineté réelle du Cameroun.

Ces immixtions étrangères dans la vie politique camerounaise prennent en général la forme de multiples délégations d'observateurs électoraux. Ces maîtres en longues et subtiles leçons de démocratie envers les pays pauvres qui débarquent chaque fois en nombre de l'étranger depuis la libéralisation politique. Il y a également au registre des intrusions étrangères les multiples communiqués émanant des représentations diplomatiques au Cameroun des puissances politiques étrangères dont le seul but, souvent clairement affiché, est de dicter son comportement au gouvernement du Cameroun. 413

Notes
396.

Cf. Suret-Canale (Jean), Afrique Noire. L’ère coloniale (1900-1945), op. cit. ; voir également Guillaume (Pierre), Le monde colonial (XIX e –XX e siècles), op. cit. , p. 158.

397.

Rappelons, quitte à être insistant, que ce Code de l'indigénat déterminant un champ dérogatoire du droit commun métropolitain se présentait lui-même comme un discours qui devait, prescrire par l'interdit aux colonisés les comportements normaux qu'ils devaient avoir. Les infractions énumérées par les différents Arrêts locaux et Décrets métropolitains qui le constituent, dont celui du 15 novembre 1924, touchent à des domaines forts variés de la vie sociale en ayant comme dénominateur commun de participer à la préservation de l'ordre public colonial. Le caractère circonstanciel de cette législation d'exception qu'on avait donc pris l'habitude d'appeler "Code" ou régime de l'indigénat manifestait constamment le souci de voir les indigènes s'acquitter de leurs obligations à caractère économique : par exemple, l'arrêté n° 1558 en date du 21 novembre 1928, code Antonetti, signé par le gouverneur général des colonies Raphaël Antonetti, incrimine aux alinéas 21 et 22 certains comportements économiques négatifs des colonisés :

“ 21 – refus de recevoir pour leur valeur légale, les espèces de monnaies françaises non fausses ni altérées et circulant librement dans la colonie ;

22 – refus d'exécuter les travaux nécessaires aux plantations vivrières, à l'assainissement des villages et habitations et à l'hygiène publique prescrite par l'autorité administrative ou médicale ".

398.

N’est-ce pas que "l'écrivain africain lui-même a toujours été un microcosme de sa société ?" Cf. Larson (Charles R.). The Emergence of Africain Fiction, Bloomington, Ind. Indiana University Press, 1971, p. 280 ; trad. française : Panorama du roman africain, Paris, Nouveaux Horizons, 1975, p. 341

399.

Ikellé-Matiba (Jean), Cette Afrique-là, Paris, Présence Africaine, 1963.

400.

Futur leader nationaliste de l'UPC, Um Nyobé n'est à ce moment-là que le Secrétaire général des syndicats C.G.T de la Sanaga Maritime .

401.

Cette Afrique-là , op. cit. pp. 229-230.

402.

Joseph (Richard), Le Mouvement nationaliste au Cameroun, op. cit. , p. 100.

403.

Ikellé-Matiba (Jean), Cette Afrique-là, op. cit. , p. 229.

404.

Ibid., p. 230.

405.

Rappelons déjà, avant d'y revenir plus loin dans ce travail que, dans ses déclarations en France et aux Nations Unies, l'UPC avançait trois revendications politiques fondamentales : L’unification immédiate, l'établissement d'une date limite pour l'indépendance du Cameroun et "la reconsidération ou plus précisément la détermination, des relations entre le Cameroun et l'Union française dans le cadre de la non-incorporation et de la non-intégration" Cf. Joseph (Richard), Le Mouvement nationaliste au Cameroun,p. 221 et sq.

406.

Ibid. , p. 310.

407.

Mauriès (Réné), "La troisième force de M. Mbida", Dépêche du Midi, 14 décembre 1956, cité par Joseph (Richard) , Le Mouvement nationaliste au Cameroun, p. 310.

408.

Cornevin (Robert) ,"Le Cameroun, bilan historique et perspectives", p. 86 ; cité par Joseph Richard , in Le mouvement nationaliste au Cameroun, op. cit. p. 310. Voir également L'opinion au Cameroun, p. 2 ; et Bulletin d'information et de documentation, n° 126, 7 janvier 1956, p. 7.

409.

Dans son analyse des fondements mythiques de l'action sociale où il souligne "le poids des idéologies fondées ou non sur des faits qui permettent une construction des réalités et des rapports entre agents sociaux éclairant les actes des groupes et déterminant la configuration de la société". En dehors du mythe du deus ex machina français qui nous importe le plus parce qu'il touche à l'objet de notre propos, Luc Sindjoun pointe également le mythe de la menace "anglo-bami", celui de la revanche foulbé, le mythe de l'axe Nord-Sud et celui finalement de la sécession anglophone. Cf. Politique Africaine, "Le Cameroun dans l'entre-deux," 62, juin 1996, p. 57.

410.

Ibid.

411.

Au Cameroun, il y a chaque fois comme recours obligé à la France, soit pour qu’elle vienne dénouer les crises politiques intérieures, soit pour obtenir de sa part un visa de candidature pour se présenter aux élections présidentielles notamment. Et même, l'on souligne souvent que tous les gouvernements n'auraient été formés dans le pays qu'au retour d'un séjour français des chefs d'État successifs. L'opposition politique n'échappe pas à cette sorte de règle/rituel. Ni John Fru Ndi, le leader du principal parti politique de l'opposition politique , généralement très critique et même souvent hostile à la France, aurait lui aussi effectué en l'espace de cinq mois, de novembre 1996 à avril 1997, trois séjours préélectoraux en France pour y rechercher disait-on, une sorte de bénédiction du régime français. (Cf. Génération, n° 111, semaine du 5 au 12 mai 1997). Quant à Albert Ndzongang, autre candidat à la présidence de la République aux élections d'octobre 1997, de passage à Paris comme tous ses autres adversaires, il y déclarait : "Les autorités de ce pays m'ont invité à venir les rencontrer. Et je suis venu mettre la France devant ses responsabilités. Il n'appartient qu'aux Français de décider s'ils veulent arriver au Cameroun comme des pompiers équipés de citernes sans eau pour essayer d'éteindre l'incendie. " Cf. Le Messager, n° 632 du 30 juin 1997. Pendant ce temps, Samuel Eboua parcourait de son côté l'Allemagne après être naturellement passé tout d'abord par Paris.

412.

Fanon (Frantz) , Peau noire, masques blancs, Paris, Le Seuil, 1971.

413.

Le Messager, n° 667, 22 sept. 1997 et Le Quotidien n° 218 du 12 mai 1997.