1 – La suppression progressive des libertés fondamentales

Dans le débat, également évoqué par le professeur Kamto, concernant l'usage même du mot "totalitarisme" – est-il pertinent de grouper sous cette appellation nazisme, fascisme, stalinisme ou d'autres systèmes comme celui du parti unique en l'occurrence ? En tenant compte de la forme sociale "violence", complémentairement au fait de la fusion État-Société réalisée par le parti unique, l’analyse de Georges Orwell apporte une réponse simple et décisive à la question : 603 le totalitarisme est le système dans lequel l'exercice du pouvoir consiste principalement, sinon exclusivement, en une pratique organisée, constante et généralisée de la violence. Le système totalitaire est structuré par et pour la violence, présente partout et sous toutes ses formes.

Cela suppose donc comme c'est le cas au Cameroun sous Ahmadou Ahidjo, une organisation adéquate et originale des moyens, des agents, des institutions et autres facteurs constitutifs du système – dont la spécificité est bien mise en lumière par Hannah Arendt dans son étude sur les origines du totalitarisme, en particulier dans l'ouvrage sur le système totalitaire. 604

En effet, l'organisation de l'État camerounais sous Ahmadou Ahidjo, présente une structure à double visage dont l'un est découvert et l'autre voilé : du côté visible de cet édifice, il y a les services ordinaires d'un État moderne avec par exemple au niveau de la sécurité, les délégués généraux à la Sûreté Nationale (regroupant entre autres services la police judiciaire, les renseignements généraux, le service de l'émigration) et à la Gendarmerie Nationale ; il y a aussi les gouverneurs de province, les préfets, les sous préfets et les chefs de districts ; du côté invisible de cette structure, il y a la police (secrète) politique, sujet tabou dans le pays.

Notes
603.

Orwell (G.) , op. cit.,. pp. 377.

604.

Arendt (Hannah) , Le système totalitaire, Paris, éd. du Seuil, 1972, 313 p.