Sollicitant régulièrement le vote des citoyens, ce qui se traduit par un formalisme juridique pointilleux et un scrupuleux respect des rites électoraux, seul élément positif à mettre à l’actif des gouvernants, en revanche ce régime présidentiel de parti unique institue au Cameroun des "élections sans choix," 661 que sa quête d'unanimité et de conformité transforme en simple rituel de ratification/confirmation : du vote, l’on conserve les éléments de “ forme ”, c’est-à-dire les procédures électorales, mais l’on se débarrasse du “ fond ”, c’est-à-dire de la possibilité pour l’électeur de choisir entre plusieurs options, entre plusieurs candidats ou plusieurs programmes : la base ne désigne plus ses chefs ; et si les citoyens participent bien à ces élections et/ou plébiscites, ils n'ont en revanche pas voix au chapitre, tant en ce qui concerne les modalités de leur participation qu’en ce qui concerne la possibilité d'opérer un choix entre les candidats. "‘On peut discuter du niveau de compétence, de la valeur des opinions, sinon de leur existence sur des points précis, mais on ne dénie pas à l'électeur cette capacité d'opinion sans lui refuser une certaine humanité’". 662
participation qu’en ce qui concerne la possibilité d'opérer un choix entre les candidats. "‘On peut discu points ter du niveau de compétence, de la valeur des opinions, sinon de leur existence sur des, mais on ne dénie pas à l'électeur cette capacité d'opinion sans lui refuser une certaine humanité’". 663
Pourtant, d’après la doctrine classique qui retient comme idéal démocratique, la démocratie libérale fondée sur la liberté politique, c'est-à-dire, celle des élus par la délibération et le contrôle de la gestion des affaires politiques", ‘les élections constituent le moment privilégié offert au peuple pour sanctionner ses mandataires qui ont failli à leur responsabilité. Elles ne servent pas seulement à pourvoir les postes vacants’", 664 ni à ratifier ou à confirmer uniquement les décisions du pouvoir.
Pour justifier cette situation nouvelle, le prétexte tout trouvé par Moussa Yaya Sarkifada, chantre du parti unique, personnage important dans ce régime d’A. Ahidjo, consiste à faire valoir qu’il est dans la nature du parti unique d’engloutir l’héritage du multipartisme alors décrit en termes apocalyptiques, que "le Cameroun a trop souffert des antagonismes ethniques attisés par les compétitions électorales et, ressusciter celles-ci mettrait en péril "‘la démocratie avec la paix civile; le chef unique est ancré dans la tradition africaine’". 665 Une telle représentation de la tradition africaine a permis à certains, d’en déduire forcément que les valeurs dont elle est porteuse sont pour le moins néfastes ou contraires au développement, au renforcement de la démocratie, et de nier les effets structurants du colonialisme dans ce domaine.
Hermet (Guy) , "Les élections sans choix", RFSP, vol. 27, n° 1, fév. 1977, pp. 30-33.
Rouquié (M.A.) , parle "d'élections sans risque", cf. Aux urnes, l'Afrique ! op. cit., pp. 217-228.
Garrigou (Alain) , Le Vote et la Vertu. Comment les français sont devenus électeurs, Paris, PFNSP, 1992, p.10.
Garrigou (Alain) , Le Vote et la Vertu. Comment les français sont devenus électeurs, Paris, PFNSP, 1992, p.10.
Duverger (M.) , Institutions Politiques et Droit Constitutionnel, Paris, P.U.F., 1965, pp. 80-81.
Gaillard (Philippe) , Le Cameroun, tome 2, Paris, l'Harmattan, 1989, p. 50.