C. – LA PERTE DE CRÉDIBILITÉ DU FAIT ÉLECTORAL COMME ABOUTISSEMENT DE LA POLITIQUE COLONIALE. 

Telle que se présente donc la situation politique en 1956, le colonisateur possède les moyens d'épargner le Cameroun de la violence. Mais il semble obnubilé par le souci de museler ou de faire taire les nationalistes d’où la violence par laquelle réagissent ces derniers.

Au bilan de cette violence, pour la première fois directement liée au fait électoral dans le pays, figure la mort du docteur Charles Delangué et celle de Samuel Mpoumah, un exploitant forestier : au retour d'une réunion pré-électorale dans la nuit du 18 au 19 décembre, ces deux candidats sur la liste du Courant de l'Union Nationale sont assassinés à Boumnyébel dans la Sanaga-Maritime. Au même moment, plusieurs dizaines de notables hostiles à l'UPC connaissent le même sort ; d'autres sont enlevés ; des cases sont incendiées ; la voie ferrée est sabotée ; des ponts routiers sont détruits ; les routes coupées par des troncs d’arbres abattus sur la voie; des lignes téléphoniques sont sectionnées. En pays basàa, c'est l'insurrection ; et la répression est d’une égale violence, "‘sauf à Douala, où l'on a brûlé des cartes électorales, peu d'incidents ont été signalés dans la journée du vote – qui n'a pas pu être organisé en pays basàa –, le 23 décembre 1956. Le mot d'ordre d'abstention de l'UPC a été largement suivi à Douala, où neuf listes s'affrontaient : la participation y a été de 22%. Ailleurs, une majorité des électeurs inscrits se sont présentés : au total, pour l'ensemble du territoire, neuf cent quarante mille sur un million sept cent quarante mille’". 881

Engendrée par les abus du colonialisme, cette violence est à considérer comme la conséquence ou l'expression de multiples frustrations longtemps subies par les indigènes, car comme nous l'avons montré, tout fut entrepris par l'Administration coloniale dans le but de contenir l'ascension de l'UPC, jusqu'aux manipulations électorales qui, privant cette formation politique de la représentation à laquelle elle aspirait et pouvait prétendre légitimement, portaient atteinte à la crédibilité du fait électoral de façon d'autant plus grave que ces manipulations s'accompagnaient de la corruption des opérations de scrutin.

Notes
881.

Cf. Gaillard (Philippe), Le Cameroun, op. cit., tome 1, p. 216.