1.– la clôture des opérations de vote et la fièvre de la fin du scrutin.

Pendant que les derniers électeurs accourus sont en train de voter à la hâte, on sent un changement dans l’atmosphère au fur et à mesure que les habitants du village, électeur ou non, envahissent la cour du local qui abrite les opérations électorales.

Le bureau de vote sort de la torpeur qui l’a peu à peu gagné à mesure que l’on s’acheminait vers la fin de la journée, et que les électeurs se faisaient rares. L’on observe donc des attroupements d’individus qui s’autorisent des sujets de conversation ouvertement politique : on prend désormais moins de précaution à cet égard que pendant les heures qui ont précédé cette phase des opérations; l’humour est de retour dans les échanges après les avoir quittés la veille au soir lors des festivités marquant la fin de la campagne électorale. On se taquine entre citoyens qui déclarent leur appartenance à des camps opposés ; des éclats de rires sont entendus. On caricature quelques opérateurs de vote. On s'autorise des remarques ironiques, entre spectateurs. On fait des pronostics sur les scores attendus. Et, pendant ce temps, les membres de la commission électorale effectuent les formalités de clôture des opérations de vote.

Revenons au bureau de vote d’Élig-Mfomo (EL) que nous venions précédemment de quitter. Il est dix huit heures et dix minutes. Le président range les bulletins de vote restants ainsi que les listes d’émargement posées devant lui sur la table de vote. La pièce où se tiennent les opérations n’étant pas assez éclairée, on décide que le bureau de vote va se transporter à l’extérieur de ce local où nombre de villageois attendent déjà en conversant par petits groupes. Deux retardataires se présentent. Ce sont des gendarmes en tenue de travail. Ils veulent voter alors qu'on a déjà rangé une partie du matériel électoral. Le président du bureau de vote consulte les membres de son équipe afin que ces deux représentants des forces de l’ordre soient admis à accomplir leur devoir civique. Gothard E., le délégué de la liste RDPC donne tout de suite son accord. Apohé, le délégué de la liste PDC, puis refuse. Comme il s’est systématiquement opposé tout au long de la journée à toute proposition du bureau de vote qui convenait à son adversaire. À ce dernier, en train d’insister pour qu’on laisse voter les deux gendarmes, il fait cette remarque : "‘Gothard, tu ne commandes pas ici. D’ailleurs t’es fini, je te l'ai dit, Gothard. Tu n’es plus rien du tout’". Silence de Gothard. En invoquant le code électoral, le président du bureau de vote est amené à prendre position dans ce nouveau clivage entre ses deux assesseurs. Il donne finalement raison à Gothard. Pendant qu’Appohé, se rend compte de son impuissance et qu’il proteste en parlant de bagarre, le président fait accompagner les gendarmes vers l’isoloir situé à l’intérieur de la pièce récemment quittée. Une fois les gendarmes partis, au milieu d’une foule de spectateurs venus assister au dépouillement du scrutin, le président annonce solennellement l’heure, dix huit heures passées de vingt minutes, ainsi que la clôture des opérations de vote.

On libère la table sur laquelle l’urne électorale est restée posée toute la journée ; et l’on dépose précieusement cette grosse boîte blanche à même le sol. Alors que l'obscurité gagne peu à peu sur la lumière du jour, il reste deux difficultés à surmonter pour que les opérations électorales se poursuivent normalement : la première difficulté concerne le problème d’insuffisance d’éclairage et la seconde se rapporte au manque d’espace pour que la suite des opérations puisse se dérouler publiquement. Concernant la première difficulté, le président de la commission des opérations de vote improvise un discours dans lequel il souligne les problèmes liés au manque d’infrastructure, avec lesquels on doit, souligne-t-il, en permanence composer. Au milieu d’une scène circulaire, il sollicite tout d’abord l’indulgence de toute l’assistance, et explique ensuite qu’il doit se rendre à son domicile situé à quelques mètres de là pour y récupérer quelques moyens d’éclairage.

Revenu avec une grande lampe à gaz, le président du bureau de vote indique une salle de classe apparemment plus spacieuse, vers laquelle tout le monde venu assister au décompte des suffrages se dirige en escorte autour de ceux qui transportent l'urne électorale. On croirait assister à une procession.