A. Dissocier faits et valeurs

Alliant la tradition philosophique cartésienne et la tradition formaliste issue de l’épistémologie des sciences physiques, le positivisme néoclassique se revendique comme une science libérée des valeurs. De là découle une vision particulière de la construction théorique : contre l’empirisme naïf, c’est une méthode de type hypothético-déductif qui est privilégiée. Des hypothèses de départ délimitent les variables explicatives (exogènes à l’analyse) et les variables à expliquer (endogènes). Un processus logique de déduction, fondé sur la rigueur de la méthode axiomatique, permet d’aboutir à des conclusions théoriques et formalisées. La confrontation sans cesse renouvelée des conclusions aux faits conduit à l’acceptation provisoire de la théorie aussi longtemps qu’elle n’est pas infirmée. Les phénomènes économiques sont isolables et réductibles à un système formel de relations logiques.

Dans cette volonté de porter un regard objectif sur le monde, seul à même d’atteindre la vérité et la connaissance scientifique, tout jugement de valeur est évacué. Il est évacué de l’observation des faits, puisque l’on considère que l’observateur est capable d’impartialité et de neutralité. La connaissance serait indépendante de toute croyance et de toute dimension subjective (la « connaissance sans sujet connaisseur », écrivait par exemple Karl Popper). Le jugement de valeur est également évacué du comportement des sujets que l’on observe : on se limite à des critères d’évaluation de leur comportement, ce qui évite ce type de considération.