B. L’appréhension de la réalité et le statut de la connaissance

À la différence du positivisme qui distingue positif et normatif, le pragmatisme suggère d’appréhender l’éthique et de considérer simultanément faits et valeurs. Toute science sociale est un processus social, c’est-à-dire que toute théorie non seulement émerge du milieu social, dont elle n’est finalement qu’un produit, mais encore elle agit sur cet environnement. Refuser la dichotomie faits / valeurs implique que l’investigation scientifique aborde la question des valeurs à deux niveaux : aussi bien celles qui orientent la recherche et imprègnent le regard porté sur la réalité, les hypothèses choisies, les conclusions prônées, que celles qui orientent les acteurs dont on observe les comportements.

Ce qui est primordial finalement ici, c’est le centrage sur un processus d’auto-correction où, d’une part le sens est ramené à l’expérience sur la base d’une analyse logique refusant les catégories a priori, et où d’autre part, la continuité entre connaissance et éthique, philosophie, science et démocratie est revendiquée. Dans la démarche pragmatiste, science et démocratie sont indissociables. Il ne s’agit pas de découvrir des principes universels, mais plutôt de créer des outils permettant d’aboutir à une « société raisonnable » [Bazzoli, 1994]8.

Le pragmatisme autorise un renouvellement des conceptions de la justice sociale : une justice sociale guidée non plus par des critères objectifs, mais par la reconnaissance d’un pluralisme à la fois moral et politique.

Notes
8.

« Nous devons penser le ‘vrai’, écrit ainsi R. Rorty, comme un mot qui s’applique aux croyances au sujet desquelles nous sommes capables de manifester notre accord, un mot que nous tiendrons rigoureusement synonyme de ‘justifié’ » [Rorty, 1990, p. 54]. Dès lors, la vérité désigne moins « la correspondance à la réalité » que « l’adhésion que nous appliquons aux croyances légitimes » [ibid, p. 51].