§2. Comment la valorisation de l’autonomie est-elle compatible avec le mode d’appartenance ?

Cette question de la conciliation entre autonomie personnelle et communauté d’appartenance ne se pose pas uniquement dans les sociétés qui n’ont pas vécu la modernité. Dans un contexte de « désaffiliation » et de crise aiguë du « lien social » [Castel, 1995], elle se pose avec acuité. On peut en toute légitimité se demander si les principes libéraux n’ont pas fait preuve « d’une abstraction excessive ? » [Mesure et Renaut, 1999].

Quel que soit le contexte social, autonomie et appartenance sont antagonistes et cela est éprouvé comme une

‘« tension permanente entre le pôle du singulier, de ce qui fait notre spécificité, et le pôle du collectif, de ceux qui nous ressemblent, avec lesquels nous éprouvons des points de similitude et avec lesquels nous partageons une certaine communauté de valeurs » [Mesure et Renaut, 1999, p. 12]. ’

Historiquement, c’est la neutralité idéologique de l’État qui a permis de résoudre ce dilemme. Elle s’est imposée comme seule solution possible face à la multiplicité et l’incommensurabilité des conceptions du monde et du bien. Promouvoir l’autonomie s’appuyait sur une conception universaliste de l’identité, c’est-à-dire la reconnaissance d’une seule forme d’appartenance : l’appartenance à une commune humanité. Aujourd’hui, force est de constater que cette position n’est plus tenable (A). La critique communautarienne, qui consiste au contraire à ne reconnaître que des appartenances spécifiques, culturelles, ethniques ou de sexe, n’est pas tenable non plus, notamment à l’égard de l’appartenance de sexe. À vouloir protéger l’autonomie en postulant qu’elle ne se construit qu’à travers l’appartenance à un groupe, le communautarisme court le risque de diluer l’autonomie (B).