§1. La monnaie comme instrument

La théorie économique a toujours éprouvé un malaise profond pour rendre compte du fait monétaire. « Pour mesurer l’ampleur de cette difficulté, écrit André Orléan,

‘il nous suffira de rappeler que l’équilibre général, c’est-à-dire la forme la plus aboutie de la pensée économique moderne, décrit une économie sans monnaie ! » [Orléan, 1998, p. 361]. ’

Toute la difficulté consiste à saisir un fait qui dépasse le strict horizon des relations contractuelles sans pour autant représenter une entité imposée de l’extérieur. La monnaie est-elle un objet marchand ou une pure création de l’État ? Entre ces deux interprétations oscille la discipline. En apparence contradictoires, elles se rejoignent finalement sur une même conclusion, d’ordre purement normatif : réduire la monnaie à un objet destiné simplement à satisfaire les intérêts individuels (A). À partir d’un tel point de vue, il n’est pourtant pas possible de comprendre ni même de concevoir l’existence d’une monnaie acceptée par tous (B).