Introduction

Les données empiriques constituent le matériau de base de ce travail. Aucun résultat n’aurait été obtenu sans un travail d’enquête préalable. La méthode adoptée pour collecter les données découle logiquement de la position épistémologique adoptée et de l’objet étudié. Refuser la méthode formaliste et la dissociation entre faits et valeurs implique d’accorder un tout autre statut à la connaissance et par conséquent aux modes d’appréhension de la connaissance.

La méthode formaliste refuse de donner un sens au discours de l’homme de la rue : il ne serait rien d’autre que de la subjectivité individuelle ; il n’y aurait donc rien à en tirer. Si l’on refuse cette coupure entre objectif et subjectif, alors le statut de l’enquêté et de l’enquête devient tout autre : le discours individuel condense en lui une part d’universel puisqu’il est une étape cruciale de la construction de la réalité.

Dans la même perspective, il n’y a plus opposition entre induction et déduction : les deux formes sont en relation réciproque. La méthode ne relève ni de la déduction, ni de l’induction, mais davantage de l’herméneutique. On cherche à relier chaque cas particulier, chaque expérience singulière aux vues générales de la réalité qui sont incorporées en eux. Nous sommes donc plus proches du verstehen que d’une approche hypothético-déductive, mais une forme de verstehen plus familière des idéaux-type de Max Weber que de l’École Historique allemande. À condition qu’elle soit « raisonnée », l’interprétation autorise l’explication [Dockès et Rosier, 1991], même si celle-ci n’est que partielle et provisoire. La méthode est à la fois réaliste et relativiste, et c’est dans cette optique que se justifie une approche comparative (section 1). Au-delà de ce choix de départ, la collecte des données empiriques obéit à plusieurs spécificités. La première concerne le contexte dans lequel se sont déroulées les enquêtes : celui d’une commande sociale (section 2). Les deux autres spécificités, dont l’approche comparative tire sa crédibilité, résident dans l’échelle d’observation adoptée, la microéchelle (section 3), et la méthode d’enquête employée, les récits de vie (section 4).