§2. Décomposer les pratiques monétaires et financières

Comment, au quotidien, les femmes manipulent-elles les différents instruments monétaires ? À quels types de dépenses affectent-elles les différents flux monétaires ? Mais tout d’abord, de quelles sources de revenus disposent-elles ? Certaines sources sont fixes, et donc relativement faciles à identifier. Beaucoup sont aléatoires, elles évoluent au gré des besoins du moment, des relations familiales et conjugales, des visites, des rencontres ; elles échappent nécessairement à la perception immédiate. Ce n’est qu’au terme de cette première étape que l’on peut se poser la question de l’usage. Ces pratiques se répètent chaque jour. Elles sont à tel point inscrites dans la routine quotidienne qu’elles finissent par échapper à la conscience de leurs auteurs. Seule une reconstitution dans le temps autorise une vision relativement fiable. Ceci exige une forte relation de confiance, cela va de soi, mais aussi une étroite collaboration entre l’enquêteur et l’enquêté. Le premier aide le second à remonter le fil de sa mémoire pour reconstituer ressources et dépenses. Le recours aux carnets de comptes, aux souches de chéquiers, aux tickets de carte bancaire, lorsqu’ils existent, nous a été précieux. Au Sénégal, suivre les femmes dans leurs activités quotidiennes a été le meilleur moyen d’approcher au plus près la réalité et la complexité de leurs pratiques. L’entretien ne peut pas être impersonnel ; les questions ne peuvent pas être standardisées. En outre, nous cherchions davantage qu’une description ; c’est le sens de ces pratiques qui nous importait. Il faut alors dépasser le stade des actes et des choix réellement effectués : saisir le processus de décision que recouvre le passage à l’acte, exige une « mise en situation ».