C. Le statut des hypothèses

Dissipons un dernier malentendu avant d’entrer plus avant dans le détail. Ce type de démarche suscite bien souvent méfiance et suspicion de la part des adeptes des méthodes quantitatives : combien faut-il recueillir de récits pour prétendre à la généralisation ? Dénoncer l’absence de pondération chiffrée n’a aucun sens. On cherche à saisir la diversité et la contingence : ce sont d’autres critères qui garantissent la validité des résultats. Dans l’enquête quantitative, les données ont un double statut. Elles ont d’abord un statut descriptif : fournir des descriptions statistiques fiables de phénomènes collectifs constitués par l’agrégation des comportements, des attitudes, voire des opinions individuelles. Elles ont ensuite un statut de validation des hypothèses de départ, au stade ultime de la démarche hypothético-déductive.

Ici, le statut des données collectées est tout autre. Elles ne visent pas à vérifier des hypothèses élaborées auparavant, mais elles participent à la construction d’un corps d’hypothèses. Il n’est plus question de représentativité d’échantillons, d’objectivité des données ou encore de test d’hypothèses : on parlera plutôt de construction progressive d’échantillons, de comparaison et de méthodes d’interprétation. Il ne s’agit pas de vérifier les hypothèses mais de les élaborer à partir des observations et d’une réflexion fondée sur les récurrences. Le modèle ainsi construit a le statut « d’une interprétation plausible plutôt que d’une explication au sens strict » [Bertaux, 1997, p. 27]. D’ailleurs, on ne peut à proprement parler vérifier les hypothèses. Comment tester des hypothèses à partir d’observations empiriques qui ont servi à l’élaboration de ces mêmes hypothèses ? Ce serait purement tautologique. La seule conclusion possible consiste à avancer que l’hypothèse retenue s’avère jusqu’à nouvel ordre la meilleure.

Venons-en maintenant plus précisément au contenu.