Conclusion de la première partie

Cette première partie a été consacrée à la construction de l’objet d’étude. Pour commencer, nous avons précisé le cadre théorique général de la réflexion. L’ensemble des concepts employés répond à une même préoccupation : le refus de la dissociation entre faits et valeurs et la volonté de réconcilier l’économie avec des considérations éthiques. Cette rupture épistémologique nous a conduit à redéfinir un certain nombre de concepts, déformés par la volonté d’objectivation dont le savoir économique a été animé tout au long de son élaboration. Ont été ainsi reformulées, à partir de travaux théoriques préexistants, les notions de critères de justice, de comportement humain, de monnaie et de finance. Ceci étant fait, nous avons présenté le mode de collecte des données empiriques. Précisons bien que ce choix de présentation (cadre théorique puis méthode empirique) n’est qu’une question de commodité et de clarté ; dans les faits, l’objet d’étude s’est construit progressivement, à travers un aller-retour permanent entre observation et réflexion.

Pour conclure cette première partie, revenons sur les différentes questions suscitées par l’objet d’étude. En premier lieu, comment les femmes vivent ou ne vivent-elles pas l’autonomie ? Dans quelle mesure ont-elles la possibilité, l’opportunité de choisir entre différentes formes de vie ? Dans quelle mesure l’autonomie financière élargit-elle l’éventail des formes de vie qui s’offrent à elles ? Face à l’incomplétude de critères objectifs, tels que l’utilité ou les préférences personnelles, les ressources matérielles, le niveau de revenu ou encore l’accès à des droits formels, nous avons choisi d’évaluer la précarité en terme de liberté de choix et de maîtrise de ses choix. Notre hypothèse est que cette liberté de choix est indissociable des droits et des obligations de chacun, et qu’elle transparaît à travers l’analyse des pratiques monétaires et financières. D’autres questions suivent alors :

Comment les femmes vivent-elles leurs droits et leurs obligations ? Comment ce vécu se traduit-il en termes de prises de décision ? Comment ce vécu se traduit-il en termes de pratiques monétaires, à travers l’appropriation des instruments et des flux monétaires ? Comment, enfin, ce vécu se traduit-il en termes de pratiques financières ? Chaque relation avec un créancier ou un débiteur suppose et donne lieu à des droits et des obligations qu’il convient d’analyser.

Pour répondre à ces différentes questions, nous mènerons une réflexion en trois temps. Le premier est consacré à la dimension sexuée de la monnaie ; deux formes d’appropriation sexuée de la monnaie sont décrites, mettant ainsi en évidence la construction sociale des sphères marchande et monétaire (partie 2). L’usage de la monnaie ne saurait toutefois se résoudre dans la seule appartenance de sexe : entrent en jeu également les autres formes d’appartenance, ainsi qu’une dimension tout aussi essentielle, sinon plus, la gestion de l’incertitude. En exprimant aussi bien les contraintes sociales que matérielles, l’analyse des pratiques monétaires et financières proprement dites autorise ainsi une vision globale des trajectoires personnelles de précarité (partie 3). Il sera alors possible de s’interroger sur les moyens de lutter contre cette précarité et de favoriser l’autonomie (partie 4).