§1. La dimension sexuée des normes : John Stuart Mill

Au milieu du XIXe siècle, John Stuart Mill, philosophe et économiste anglais, représente à la fois le couronnement de la pensée libérale et l’attirance envers le socialisme utopique de l’époque. Sa philosophie emprunte à l’empirisme de Hume, à l’utilitarisme de Bentham, à l’associationnisme de son père James Mill, à Saint-Simon, à Comte. Au nom de la liberté et de l’égalité, mais aussi du progrès moral et de l’utilité collective, il mène durant toute sa vie, aussi bien privée que publique, un fervent combat en faveur de l’égalité des sexes. La publication de son ouvrage en 1869, The subjection of Women, en représente l’apogée. Considéré par bon nombre de féministes comme le plaidoyer le plus éloquent et le plus sincère qui puisse l’être en faveur de l’émancipation des femmes, cet ouvrage demeure une étape primordiale dans l’histoire du féminisme anglo-saxon [Cachin, 1975] et français [Fraisse, 1995]. On l’accuse parfois de n’avoir fait que transmettre les idées de celle qui deviendra son épouse, Harriet Taylor. Elle-même avait publié en 1851, dans la Westminster Review, un article intitulé The Enfrenchisement of Women. Bon nombre de ses arguments, notamment sa dénonciation du mariage, qu’elle assimile à un despotisme, et son plaidoyer en faveur de l’accès à l’éducation, préfigurent l’ouvrage publié par Mill en 1869146. Lui-même reconnaît à plusieurs reprises sa dette à l’égard de son épouse, mais il soutient qu’il s’est toujours préoccupé de la situation féminine, et que son épouse n’a fait qu’affiner et préciser ses opinions. Un des arguments qu’il défend le plus fermement, c’est le fait que la différence entre les sexes n’est pas « naturelle », mais pour une très large part le résultat de l’éducation et de la position sociale.

Notes
146.

M.-F Cachin [1975].