B. Le Devoir féminin

Deux éléments importants expliquent cette hantise persistante à l’égard de la dépendance. D’abord, le dépendant ne contribue pas au bien-être collectif. Ensuite, la dépendance est une sérieuse entrave à la dignité humaine. Vouloir se décharger sur un autre de sa responsabilité, n’est-ce pas abdiquer sa liberté et renoncer à sa qualité d’être humain ? [Ewald, 1986]. Mais concernant les femmes, la question ne se pose pas du tout en ces termes. La dépendance ne les empêche pas de contribuer à l’utilité collective, bien au contraire : c’est précisément leur devoir qui, en quelque sorte, les condamne à la dépendance. Leur dignité est à ce prix. Pour elles, la dignité ne trouve pas sa source dans la liberté, mais dans le dévouement envers autrui. Si les femmes sont cantonnées à l’espace domestique et exclues de toute activité considérée comme « productive », c’est au nom de leur devoir : devoir de contribution à la productivité ouvrière, c’est le rôle que leur attribuent les économistes ; devoir également de moralisation et de prévoyance.