Section 1. Le contexte sénégalais

§1. Données générales

La république du Sénégal occupe la partie la plus occidentale du continent africain. Du fait de sa position géographique, le pays est entré en contact avec les Européens relativement tôt. Les Portugais sont les premiers, au XVe siècle, à établir des ports de commerce sur les côtes de la Gambie et de la Casamance. À partir du XVIIe siècle, ils sont suivis par les Hollandais et les Britanniques. Animés par des préoccupations purement commerciales, ni les uns ni les autres ne cherchent toutefois à pénétrer à l’intérieur du pays ni à s’établir durablement. La présence française débute au XVIIe siècle, dans le port de Saint-Louis du Sénégal qui restera longtemps la capitale. Le Sénégal devient officiellement sous contrôle français lors des traités de 1815-1816. L’indépendance n’est proclamée qu’un siècle et demi plus tard, le 28 septembre 1958. Un régime présidentiel est adopté par référendum au mois d’avril 1963. Depuis, trois présidents se sont succédés : Léopold Sédar Senghor (1958-1981), Abdou Diouf (1981-2000) et Abdoulaye Wade depuis le printemps 2000.

La population africaine est composée de plusieurs « ethnies » qui ont une certaine localisation géographique. Les Wolofs représentent 43% de la population et sont principalement dans le bas Sénégal (carte ci-dessous). Les Toucouleurs (13%) sont établis sur le cours moyen du fleuve. Les Serers (19%) sont sur la zone côtière et dans le bassin arachidier. Les Diolas (14%) sont principalement en Casamance, et les Peuls, population nomade partiellement sédentarisée, sont dans la zone centrale. Des tensions régionales et frontalières existent, particulièrement en Casamance (sous-région située dans le sud du pays et séparée du territoire par la Gambie) ainsi qu’avec la Mauritanie, située à la frontière nord du pays. Il reste que le Sénégal est présenté comme l’un des régimes les plus stables et les moins répressifs d’Afrique, épargné plus que d’autres par les conflits ethniques sanglants et les coups d’État militaires.

L’Islam contribue probablement à outrepasser la pluralité ethnique en offrant un semblant d’unité. La population sénégalaise est musulmane à près de 90% et pratique un islam confrérique. Celui-ci repose sur différents échelons d’une relation interpersonnelle et hiérarchisée entre le fidèle (taalibe) et la figure de Dieu. De multiples intermédiaires se succèdent : du marabout le plus local, à l’échelle du quartier, jusqu’au Grand Khalife de la confrérie, héritier du prophète. Hommes ou femmes, riches ou pauvres, commerçants, fonctionnaires ou politiciens : personne n’échappe à l’emprise de l’Islam qui s’exerce sur toutes les facettes de la réalité sénégalaise. Nous aurons donc largement l’occasion d’y revenir.

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Carte 4. Le Sénégal.

Nos enquêtes ont été réalisées dans la région de Thiès : celle-ci est délimitée, à l’ouest, par la ville de Pikine (banlieue est de Dakar) au sud par la ville de Mbour, à l’est par la ville de Mbambey et au nord par la ville de Tivaouane. Elle recouvre tant des zones urbaines (les banlieues de Dakar et la ville de Thiès) que rurales, où les modes de vie sont très contrastés, bien que nous n’en ayons pas fait un axe central de réflexion. La population de cette région étant majoritairement wolof, notre réflexion porte essentiellement sur les femmes wolofs.

En 1993, la population du Sénégal était estimée à 7,9 millions d’habitants. Le taux de progression démographique étant de 2,6% par an, on peut estimer le nombre d’habitants en l’an 2000 à plus de 9 millions. 38% de la population demeure en zone urbaine et 62% en zone rurale. À l’instar des grandes métropoles africaines, le surpeuplement de Dakar (près de 2 millions d’habitants) est un facteur de déséquilibre.

D’un point de vue climatique, on distingue trois zones : sahélienne au nord et au centre (le Ferlo), soudanienne au Sud, et une zone côtière. L’économie du Sénégal a longtemps reposé sur une monoculture, l’arachide, dont la tranformation partielle a donné naissance à un secteur industriel (huileries et raffineries) que complète celle des phosphates. Considérée comme la « culture reine » jusque dans les années soixante, la culture de l’arachide a été frappée de plein fouet par les sécheresses successives (onze années de sécheresse entre 1960 et 1993), l’épuisement des sols et les fluctuations des cours internationaux [Bonnefond et Couty, 1988]. Face à l’essoufflement d’une production qui a longtemps joué un rôle moteur, des diversifications ont été tentées au cours des deux dernières décennies. Toutefois, ni la pêche, ni les phosphates, ni le tourisme n’ont réussi à relancer l’économie.