Dès 1980, le Sénégal est le premier pays d'Afrique Sub-saharienne à signer un plan d'ajustement structurel avec la Banque mondiale ainsi qu'un accord de facilité avec le Fonds monétaire international [Duruflé, 1994]. Le pays connaît alors une dégradation sévère des conditions climatiques ainsi qu’une forte détérioration des termes de l’échange de ses principales exportations (arachide et phosphate). À cela s’ajoutent des difficultés d’ordre interne : le surendettement chronique de l’État, un appareil productif surdimensionné, des produits nationaux surprotégés et des entreprises croulant sous les sureffectifs [Baumann, 1999b, p. 2]. Plusieurs plans d’ajustement se sont ainsi succédés, combinant, en bref, deux priorités principales : stabilité budgétaire et monétaire et « libéralisation » de l’économie, à travers une réduction du secteur public et un encouragement des entreprises privées. Si le bilan des premiers plans d’ajustement structurel n’était guère encourageant [Duruflé, 1994], depuis le début des années quatre-vingt dix, le Sénégal compte désormais parmi les « bons élèves » de la Banque mondiale [Baumann, 1999b, p. 7] : rétablissement des grands équilibres macro-économiques, maîtrise de la hausse des prix et reprise de la croissance sont au rendez-vous221. Cependant, si les économistes ‘« soucieux de grands équilibres et de données macro-économiques lisses »’ se félicitent, il n'est pas certain que ‘« le consommateur sénégalais de situation moyenne » soit du même avis [ibid, p. 6]’. Dès que l’on dépasse les indicateurs strictement économiques, le bilan est en effet beaucoup plus mitigé.
Au cours des dernières décennies, la situation matérielle des sénégalais n'a cessé de se détériorer. Gilles Duruflé [1994] notait une diminution du pouvoir d’achat de l’ordre de 30 à 40% entre les années soixante et quatre-vingt-dix. Cette détérioration se poursuit en s’aggravant de l’ordre de 2% entre 1991 et 1994222. Les indicateurs de développement humain restent inférieurs à celui des pays à niveau de revenu comparable223. D’après la ration calorique journalière, un Sénégalais sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté. Si l’on fixe le seuil de pauvreté monétaire à 100 000 F CFA par personne et par an, la pauvreté touche 38% de la population [Banque mondiale, 1998a, annexe B5]224.
Concernant la précarité quotidienne, nul ne sait l’ampleur qu’elle atteindrait en l’absence d’organismes divers, ayant le plus souvent le statut d’Organisations non gouvernementales, et qui se donnent pour but de pallier, tant bien que mal, les déficits étatiques dans les domaines aussi variés que la santé, l’éducation ou encore l’accès au crédit. La Banque mondiale est la première à reconnaître le rôle décisif des ONG dans le domaine de la santé [Banque mondiale, 1998a]. Dans le domaine de l’éducation, à Dakar, trois écoles élémentaires sur dix dépendent du secteur privé dont font partie les ONG [Baumann, 1999a]. Enfin, certains services publics ne survivent qu'à travers les moyens matériels des projets de développement qui leur sont associés, permettant aux fonctionnaires de disposer de véhicules, de matériels de télécommunication et de traitement informatique, voire de compléter leurs salaires parfois aléatoires et souvent dérisoires.
Qu’en est-il des femmes ? Elles souffrent des mêmes maux que sur le reste du continent : analphabétisme, état de santé peu satisfaisant, taux de mortalité élevé, faible accès à la propriété et aux terres (notamment les terres irriguées) ainsi qu’au crédit [Banque mondiale, 1998a]. En théorie, la Constitution garantit aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes, notamment en termes d’héritage. Dans les faits, la prédominance des lois coutumières les défavorise, particulièrement dans l’accès aux terres. Concernant la crise, les femmes sont, au premier abord, moins frappées que les hommes. En effet, les secteurs directement touchés sont le salariat et les cultures d’exportation, or les femmes en sont exclues. En revanche, elles sont les premières à subir les contractions des dépenses publiques. En outre, lorsque les hommes ont de plus en plus à de mal assumer leurs responsabilités, c’est à elles qu’incombe, en dernier ressort, la survie de la famille. Dans ce contexte, deux facettes du quotidien des femmes sénégalaises méritent d’être évoquées : une attitude plus pragmatique par rapport au « travail » et une prise de distance à l’égard des liens communautaires.
Le déficit budgétaire est passé de 6% en 1994 à moins de 1,5% en 1997 [Banque mondiale, 1998a].
La hausse des prix, qui avait atteint 32% après la dévaluation de 1994, a été stabilisée : 2,5% en 1997 ; 1,3% en 1998 ; 2% en 1999 ; et une prévision de 2% pour l’an 2000. On note une croissance moyenne de 5% au cours des années 1995-1996-1997 ; 5,7% en 1998 ; 5% en 1999 ; et une prévision de 6% pour l’an 2000. Ces deux séries de données sont fournies par le Nord-Sud Export, groupe Le Monde [Le Monde, 20 juin 2000, Supplément économie].
Sénégal / Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan / Direction de la Prévision et de la Statistique (1997) Enquête sénégalaise auprès des ménages. Mars 94 – mai 95. Rapport de synthèse, Dakar, DPS, Octobre, p. 67, cité par E. Baumann [1999b, p. 11].
Les indicateurs de développement humain sont décrits en annexe 1.
La monnaie nationale est le F CFA. En 2000, 100 F CFA = 1 FF.
Les zones rurales sont plus frappées (67%) que les zones urbaines (13%). Une large proportion des familles pauvres est toutefois concentrée à Dakar [Banque mondiale, 1998a, annexe B5].