C. Les relations avec les réseaux de l’aide au développement

Parmi les multiples partenaires potentiels des groupes féminins, on remarque enfin la présence active de ce qu’il est convenu d’appeler « l’aide au développement »261. À la fois polysémique, multiforme et ambigü, ce terme recouvre les actions entreprises par une multiplicité d’acteurs : ONG locales, nationales, internationales ou étrangères ; ONG laïques ou religieuses (tels que Caritas, associé au mouvement catholique) ; coopération bilatérale (coopération américaine avec l’USAID, coopération française avec la Caisse française de développement et, indirectement, l’AFVP262, coopération européenne avec le Fonds européen de développement, etc.).

On ne discutera pas ici de l’ambiguïté inhérente à toute entreprise qualifiée « d’aide au développement ». Si l’on se place du point de vue des femmes, « ONG » et « bailleurs » sont des interlocuteurs privilégiés, et elles consacrent une large partie de leur énergie et de leur temps à tenter de capter leur attention. Soutien matériel et financier, formation, reconnaissance sociale voire porte d’entrée sur l’international : ce sont là autant d’appuis possibles dont les femmes auraient tort de se priver. Une analyse fine de l’activité économique et financière des groupes (notamment chiffre d’affaire et médiation financière) montre une corrélation directe entre le niveau d’activité et le montant des aides263. Si l’appui est bien géré, il joue un véritable effet à travers la mise à disposition de moyens matériels, mais aussi à travers la reconnaissance qu’il suscite et la mobilisation qu’il implique.

En milieu rural, les groupes les plus dynamiques sont ceux qui ont bénéficié de moulins à mil. En milieu urbain, ce sont ceux qui cumulent les partenaires extérieurs. Ainsi le groupe Diamolaye, dans le quartier Malika à Pikine existe depuis 1979 ; créé au départ pour lutter contre les usuriers, il a développé depuis de multiples activités productives avec l’appui de l’USAID pour de l’aviculture, de Plan international et de la SEDIMA (coopérative agricole) pour du maraîchage ; il a obtenu des bâtiments avec l’appui de la préfecture. Aujourd’hui, le groupe se présente comme une véritable structure d’import / export (2 millions de F CFA d’épargne bancaire, 3 millions de bénéfices annuels, soit 45 000 F CFA par membre) tout en continuant d’accorder une importance de premier rang aux manifestations religieuses.

Au total, l’insertion des groupements dans leur environnement peut être illustrée par la figure suivante.

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Figure 6. L’insertion des groupes féminins sénégalais dans leur environnement

Après ce tour d’horizon des groupes féminins, venons-en aux trajectoires personnelles. Nous allons voir que l’appartenance à un groupe facilite la prise de distance à l’égard des obligations et participe à l’appropriation féminine de l’univers marchand. C’est à travers les groupes que s’opère la redéfinition des compensations matrimoniales, désormais mises au service de la mobilisation de capital. C’est à travers les groupes que se construisent de véritables filières commerciales où les femmes règnent en maîtres. C’est également à travers les groupes que se font jour de nouvelles relations avec le religieux, bien évidemment partie prenante des trajectoires entrepreneuriales.

Notes
261.

J.-P. Olivier de Sardan propose la définition suivante : « ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources techniques et / ou de savoirs » [Olivier de Sardan, 1995, p. 7].

262.

Association française des volontaires du progrès.

263.

La relation inverse ne se vérifie pas, c’est-à-dire que tous les groupes aidés ne sont pas « dynamiques ». Tout dépend de la manière dont les aides sont gérées. Nous y revenons au chap. 10.