B. L’indispensable compromis : l’alliance avec la famille dans les trajectoires entrepreneuriales

Que les femmes choisissent le mariage ou le célibat, il ne peut y avoir rupture. La famille, restreinte ou élargie, reste partie prenante des trajectoires entrepreneuriales des femmes.

1. S’allier avec le mari et la famille

Si certaines femmes se lancent dans le commerce pour échapper à l’autorité masculine, d’autres en revanche doivent leur réussite au soutien substantiel, parfois déterminant de leur époux. L’appui masculin est tout d’abord d’ordre financier (financement du capital de départ et aides régulières lorsque l’activité « chute »). Il se mesure également en termes d'expérience et de réseau de relations, celles-ci facilitent l'approvisionnement et l'écoulement des marchandises.

La présence de la famille élargie est particulièrement précieuse. Les femmes font souvent du commerce entre soeurs, parfois entre coépouses. Elles se regroupent pour acheter du matériel, une place de marché, une machine à coudre, du matériel de teinture, une presse à huile. Elles se déplacent chacunes de leur côté pour acheter des produits complémentaires. Elles s’épaulent pour la garde des enfants. Ces derniers sont d’ailleurs parties prenantes de l’activité. Main d’oeuvre gratuite, mobile, immédiatement disponible, leur présence est très appréciable. C’est souvent grâce à leurs enfants que les femmes les plus âgées poursuivent leurs activités commerciales.

Enfin, bien au-delà de coups de main ponctuels et mesurables, c’est surtout un soutien d’ordre immatériel que procure l’entourage familial : relations, savoir-faire, mémoire, accès à l’information, au crédit et enfin, connaissance des « règles » du milieu. Il n’y a rien de plus structuré que ce secteur informel qualifié parfois de « non structuré ». Il est vrai que l’on cherche en vain toute trace visible et explicite de barrières à l’entrée. Il suffit pourtant d’écouter le récit de quelque débutante pour se convaincre du contraire. Pour celles qui ne sont pas du « milieu », il a souvent fallu beaucoup de temps et d’obstination pour parvenir enfin à occuper une place sans se faire déloger. Face à une concurrence déjà sévère, les nouveaux-venus ne sont guère appréciés et tous les moyens sont bons pour les décourager. La concurrence obéit souvent à une forte hiérarchie où se combinent appartenance de rang et réputation.

Quant à celles qui se lancent dans l’import-export avec le Mali, la Mauritanie, la Gambie, Las Palmas, La Mecque ou encore l'Europe, rares sont celles qui ne profitent pas de quelque soutien : une « tante » demeurant là-bas qui offre l’hébergement et se charge de l’achat et / ou de la vente, une « soeur » hôtesse de l’air ou un « frère » coursier à l'aéroport ou au port qui obtient des rabais sur le transport, un « cousin » dans l'administration, la police ou les douanes qui transforme le commerce illégal en la légalité la plus totale, ou tout au moins qui limite le coût de la prédation.