B. Le mélange entre gestion professionnelle et gestion domestique

Revenons à notre compte d’exploitation. Lister dépenses et recettes d’activité n’est qu’une vision très partielle de la réalité. Du fait d’une confusion quasi totale entre activités domestique et professionnelle, l’excédent de trésorerie est affecté en priorité aux dépenses personnelles incompressibles. Au solde disponible, va s’ajouter celui des opérations financières informelles. S’additionnent les transferts divers de la part de l’époux, d’un frère ou d’un oncle, les apports d’une tontine ou autre forme de groupement féminin, les remboursements de dette de l’entourage ; se déduisent les cotisations au groupe, les « dons » obligatoires pour les cérémonies, et les remboursements dont l’échéance ne peut plus attendre.

On obtient un solde disponible net, dont la répartition sera le fruit d’un arbitrage entre les dépenses discrétionnaires personnelles, la reconstitution du fond de roulement, le remboursement de certaines dettes, et éventuellement, les dépenses de diversification de l’activité, meilleur moyen de lutter contre les risques inhérents aux activités informelles. Quand il y a présence de capital fixe, précisons que la notion d’amortissement est ignorée, ce qui est parfaitement rationnel puisque la recherche de liquidité prime sur toute autre considération. Cette gestion « parcimonieuse » du capital est à la fois un moyen de conserver la liquidité et de limiter les risques d’immobilisation [Bloy et Dupuy, 1990].

Un choix optimal est avant tout un choix acceptable, qui privilégie

‘« un éventail d’options disponibles par rapport à l’irréversibilité de la décision d’investissement physique et choix d’actifs monétaires et financiers aux dépens d’actifs productifs » [Hugon, 1999a, p. 57]. ’

Il faut également compter les frais de « maraboutage », évoqués au chapitre précédent. Ils ne sont pas systématiques, certaines femmes refusent de croire à ces « histoires-là », mais ils concernent quand même bon nombre de femmes. Il en va également ainsi des inévitables « cadeaux » que les femmes rapportent aux enfants lorsqu’elles se déplacent.

‘ « un éventail d’options disponibles par rapport à l’irréversibilité de la décision d’investissement physique et un choix d’actifs monétaires et financiers aux dépens d’actifs productifs » [Hugon, 1999a, p. 57]. ’

Au total, la chronologie des flux peut être représentée de la manière suivante :

Tableau 11. Reconstitution d’un compte d’exploitation.
Excédent de trésorerie
- Dépenses personnelles incompressibles
A= Solde disponible après dépenses personnelles incompressibles
+ Perception d’un apport du groupe (tontine ou autre)
+ Apports communautaires (transferts, remboursement de dettes)
- Cotisation au groupe (tontine ou autre)
- Dépenses dues aux obligations communautaires (transferts, cérémonies, remboursements de dettes)
B = Solde financier
A + B = Solde disponible net
Arbitrage entre :
- Dépenses discrétionnaires personnelles
- Reconstitution du fonds de roulement
- Remboursement de dettes
- Dépenses de diversification
Source : Adaptation de Bloy et Dupuy [1990].