A. Les cloisonnements d’épargne

Une analyse de l’épargne en termes de fonction croissante des revenus, faut-il le préciser, doit d’emblée être exclue. Seul un cloisonnement des formes d’épargne permet de combiner la pluralité d’exigences et de temporalités auxquelles les femmes sont confrontées [Servet, 1990]. Rares sont les femmes qui disposent d’épargne en espèces. Comment le pourraient-elles, compte tenu des multiples sollicitations auxquelles elles ont à faire face ? Éviter la thésaurisation permet de se soustraire en partie aux requêtes de l’entourage, tout en disposant de supports facilement convertibles pour affronter d’éventuels imprévus. Ainsi, l’épargne en nature reste la forme privilégiée d’épargne matérielle : bétail, céréales, marchandises, bijoux, semences, habitat et terrain pour les plus aisées, sont les formes d’épargne les plus répandues. Le petit bétail est ce qui se vend le plus facilement ; il est fréquent de se déposséder d’une partie du cheptel à la veille des fêtes ou de la rentrée scolaire. Intervient ensuite la dimension ostentatoire du bien : habitat, terrain, bijoux ou encore tissus sont bien évidemment davantage signe de « distinction » que le petit bétail, dont la fonction reste essentiellement utilitaire. À chaque type de bien correspond un « problème » d’ampleur différente : vendre quelques poulets pour acheter des médicaments, un pagne pour le baptême d’une parente éloignée, un collier pour un mariage ou des funérailles, etc.

Parmi cette pluralité de formes d’épargne, dont on voit qu’elles ont autant une dimension fonctionnelle que sociale, il en est une particulièrement appréciée et répandue : l’épargne tontinière.